Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
revue philosophique

alors plus harmonieuse, mais cette harmonie n’était précisément atteinte d’une manière si facile, que parce qu’il y avait beaucoup moins d’éléments divers à concilier, que parce que l’existence dans son ensemble était bien plus pauvre.

Outre que l’art contribue directement au perfectionnement de l’esprit et dès lors à l’élévation du niveau intellectuel, il sert encore indirectement au processus, en ce qu’il répand les joies les plus pures et les plus nobles sur le sentier des combattants, embellit leurs moments de repos et leur communique une nouvelle force pour les luttes postérieures. Ainsi l’art n’a pas seulement une valeur eudémonologique, en tant qu’il procure aux combattants des jouissances qui ne nuisent pas au but du processus ; il est de plus un stimulant qui donne de la vigueur aux combattants, comme la coupe de vin ou la gorgée d’eau fraîche fortifie le guerrier gisant épuisé sur le champ de bataille, et cette utilité n’est nullement à dédaigner. Regarder l’art comme un accessoire sans but et sans sens logique, comme le fait Bahnsen, cela démontre donc un manque de réflexion à un double point de vue. On peut même encore placer l’art à titre d’excitant agréable dans le combat parmi ces « accessoires » du processus, dans lesquels on ne peut pas voir une utilité immédiate pour le processus, parmi les prétendus « dadas » humains qui sont pour les adolescents ce que les jeux sont pour les enfants. Quel témoignage plus touchant peut-on trouver de la sollicitude de la Sagesse que de la voir offrir même aux pauvres d’esprit, dénués de goûts artistiques et scientifiques, un succédané dont la poursuite est une satisfaction pour leur volonté, qui leur fournit un moyen agréable d’employer leurs loisirs, et dont la privation les rendrait malheureux, de même qu’elle leur enlèverait l’ardeur nécessaire pour l’accomplissement de leurs devoirs.

Je reconnais « des accessoires » du progrès complètement insignifiants, seulement en tant que le fondement indispensable de la téléologie, c’est-à-dire les lois naturelles produisent inévitablement, outre les effets servant directement au progrès, encore d’autres effets qui ne peuvent pas servir au but de la nature, mais qui ne peuvent pas non plus l’arrêter, parce qu’ils sont résorbés dès que les fonctions vitales occupées par eux sont réclamées par d’autres facteurs aidant au processus. Toutefois, on ne peut pas non plus appeler ces « accessoires » illogiques, car, quoique n’étant pas des moyens pour arriver au but, ils sont cependant des conséquences logiques du moyen primitif et fondamental réclamé par la logique. Les admettre n’est nullement reconnaître l’illogique dans le contenu du processus universel, comme Bahnsen le suppose, et cette admission ne peut