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delbœuf. — hering et la loi de fechner.

ments suivant une progression arithmétique, telle que 1, 2, 3, 4…, il faut que l’excitation croisse suivant une progression géométrique telle que, par exemple, 1, 2, 4, 8… C’est ce qui est exprimé d’une manière plus concise et plus élégante à la fois par cette rédaction : La sensation est proportionnelle au logarithme de l’excitation. En effet, les logarithmes des nombres qui forment une progression géométrique sont en progression arithmétique.

Cette loi, Fechner la vérifia pour divers ordres de sensations par de longues séries d’expériences variées, faites d’après des méthodes qui lui sont propres et dont nous n’avons pas à parler ici. Il suffit de dire que ces méthodes avaient toutes plus ou moins pour but et pour résultat de déterminer la plus petite différence perceptible entre deux sensations de même nature.

La loi établie, il s’agissait de l’interpréter. Entre l’excitation et l’âme qui la perçoit sous forme de sensation, il y a le corps ou, à proprement parler, l’élément nerveux. Où vient se placer l’action de cette loi logarithmique ? Est-ce entre l’extérieur et l’élément nerveux, ce qui revient à se demander si l’impression sur le cerveau serait proportionnelle au logarithme de l’excitation, auquel cas la sensation serait proportionnelle à cette impression ? Au contraire, l’excitation amenant dans le nerf une modification proportionnelle, est-ce cette modification même qui serait perçue par l’âme sous forme de sensation, mais réduite proportionnellement au logarithme de sa valeur ? En d’autres termes, la loi est-elle purement physiologique, ou bien est-elle psychophysique ? Fechner, se fondant sur cette considération fondamentale que dans la nature physique les effets sont partout proportionnels à leur cause, se prononça pour la nature psychophysique de sa loi. Entre le physique et le psychique il n’y aurait donc pas une relation de cause à effet, mais simplement correspondance ; l’âme se représenterait d’une façon à elle propre le monde extérieur.

J’avais donc raison de le dire tantôt : Fechner avait tiré du domaine de la spéculation pure le problème des rapports de l’âme et du corps.

L’apparition des Éléments de psychophysique en 1860 eut, principalement en Allemagne, un retentissement d’autant plus grand que ce livre est un véritable trésor d’observations’neuves, originales et piquantes, et que les résultats des expériences de l’auteur s’appuient sur des montagnes de chiffres, obtenus d’après les méthodes les plus ingénieuses et les plus scrupuleuses.

La loi de Fechner ne tarda pas cependant à être attaquée. Helmholtz notamment et Aubert lui adressèrent des reproches extrê-