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e. de hartmann. — un disciple de schopenhauer.

giques qui ne nous apprennent rien, mais qui sont également bien loin de démontrer quoi que ce soit contre la finalité de ce but dans le sens négatif ou même en faveur du caractère realdialectik (antilogique) d’un but final purement négatif. Si un but positif est rendu impossible par les hypothèses données de tous les mondes possibles, c’est-à-dire par la nature de l’absolu, un but négatif en ce cas a une très-grande valeur négative (quand même elle n’est pas positive). En effet, il vaut mieux être délivré du mal que d’en être toujours accablé. Dans la métaphysique de la volonté de Bahnsen, pas plus que dans la mienne, il ne peut être question d’un but positif ; mais l’admissisn d’un but négatif dépend en dernier ressort, comme Bahnsen l’avoue lui-même, de la question de savoir si dans la métaphysique de la volonté on se place au point de vue moniste ou pluraliste.

Outre cette raison déterminante principale il existe encore deux motifs accessoires qui réclament un court examen parce qu’ils sont également un obstacle à ce que Bahnsen admette le développement en mon sens (avec un but final négatif). Le premier est sa disposition pessimiste qui le rend tellement passionné pour ce qu’il y a de désespéré dans son point de vue, qu’il se sent dérangé dans sa tristesse absolue quand on lui présente une perspective consolatrice. Le second motif est sa croyance à l’infinitude réelle du temps, qui rend impossible toute fin du processus dans l’avenir, de même qu’elle lui enlève dans le passé le caractère du développement, par la considération très-juste que tous les buts possibles du développement ont dû avoir été atteints depuis bien longtemps dans un passé indéfini. Bahnsen prétend avoir démontré l’infinitude du temps comme une conséquence de mes prémisses, par ce seul fait qu’il la désigne comme « l’enfant de parents éternels. » (Volonté et Idée). Mais il oublie que cet enfant de parents éternels peut seulement être engendré et mis au monde parce que ceux-ci sortent de leur repos ainsi que de leur immobilité éternelle et deviennent actuels ; ce qui produit précisément le commencement du temps. Le processus ne peut être un développement, que parce qu’il a un commencement et une fin, c’est-à-dire parce que le temps a un commencement et une fin (ce qui n’exclut pas une répétition du processus fondée sur la base de l’éternité) ; mais le temps peut seulement être pensé comme fini, dès qu’on le pense comme forme réelle de l’existence, c’est ce que j’ai démontré dans mon article sur les doctrines de Frauenstaedt.

E. de Hartmann.
(Traduit par J. Gerschel.)