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e. de hartmann. — un disciple de schopenhauer.

rations reposent sur une base tant soit peu solide, elles ne démontrent encore rien en faveur d’un caractère antilogique ou seulement illogique de la réalité. Au contraire, elles confirment seulement mon assertion que toute réalité se trouve uniquement dans l’activité et l’activité à son tour dans l’action sur un autre objet, par conséquent dans la réaction réciproque ou le conflit ou l’opposition de forces entièrement ou partiellement opposées. Or si l’opposition des forces ou des directions de la volonté est une condition de la réalité et si la réalité est une condition de l’organisation et par là de l’intellect conscient, alors cette opposition des directions de la volonté est le moyen postulé logiquement pour le but universel et n’est rien moins qu’illogique.

Si l’on veut déjà appeler realdialectique cet antagonisme des forces, alors on donne à l’expression « dialectique » une signification tout-à-fait différente de celle qu’Hegel et Bahnsen attribuent à la dialectique antilogique, et il me semble peu recommandable de vouloir, pour des motifs extrinsèques puisés dans la permutation trop facile du sens, accepter une expression employée jusque-là dans le sens antilogique, avec une signification qui exclut le sens antilogique, comme le fait Moritz Venetianer[1].

Opposition et contradiction sont deux choses différentes. Opposition veut dire que deux sujets tendent en même temps à amener des états opposés ; contradiction veut dire que le même sujet possède réellement des états opposés dans le même temps, sous le même rapport et au même point. Dans l’opposition les deux sujets luttant l’un contre l’autre n’arrivent pas à la réalisation de leur

  1. Comp. « le Allgeist » (Berlin, 1874), p. 214 et suiv. Venetianer maintient fermement a que contradiction entre plusieurs êtres, comme dans un seul être, signifie l’impossibilité de la réalisation de deux directions de volonté, tandis que Hegel voulait donner cette contradiction comme une réalité », et il se déclare contre la confusion faite par Bahnsen entre realdialectique et antilogique. Il fait ressortir que son panpsychismus contient la volonté et l’idée, par conséquent l’illogique et le logique, et dès lors le processus panpsychologique fait valoir les deux côtés de l’être un et universel. Dans ce sens il est incontestable que, si l’on désigne le processus absolu comme realdialectique, le côté de l’illogique y est également compris. Mais si Venetianer en tire encore la conséquence que tout le logique et tout l’illogique du processus doivent être nécessairement exprimés par des idées logiques et illogiques, il confond ce qu’il y a d’absolument illogique dans la forme du processus, du côté de son existence avec la partie relativement illogique du contenu conditionné par cet illogique absolu ; il ne fait pas plus que Bahnsen une distinction entre le rationnel abstrait et concret, entre le logique et l’historique. Seulement cette confusion est commise par lui du côté opposé à celui où Bahnsen la commet ; elle a lieu à l’égard de ce qui n’est nullement logique et à l’égard de ce qui ne l’est plus en un certain temps et en un certain lieu.