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Ch. lévêque. — françois bacon métaphysicien.

alors capable. Nous ne pouvons néanmoins ne pas voir qu’il se comporte, qu’il parle, qu’il juge comme si cette analyse était faite, et par lui. Cet ennemi de la philosophie arbitraire et de l’autorité, légifère de son chef ; il pontifie, ce n’est pas moi qui le dis, c’est son ami George Herbert : « Veritatis pontifex », c’est aussi l’ensemble de son œuvre. Mais les philosophes d’aujourd’hui, les métaphysiciens actuels ne sauraient aimer plus que Bacon lui-même les oracles, les décrets, les commandements. Ses déclarations les plus justes ne sont après tout que d’heureuses rencontres ou plutôt des opinions, placita. Les opinions sont choses personnelles, sans valeur scientifique puisqu’elles sont données sans preuves. Donc l’adhésion de Bacon à la philosophie première, à la métaphysique, n’est ni assez profondément raisonnée, ni justifiée par l’analyse ; mais cette adhésion est claire, expresse, et aucun artifice de critique ne saurait la faire passer pour la négation de ce qu’elle affirme.

Voyons si nous arriverons à d’autres conclusions en étudiant la métaphysique de Bacon dans ses rapports avec la théologie naturelle, avec la physique et avec la connaissance de l’âme.

III

La métaphysique et les divers problèmes philosophiques.


Bacon divise la science tout entière en deux parties : la théologie et la philosophie. Il distingue expressément la théologie inspirée ou sacrée de la théologie naturelle. La première qui lui paraît être le but, le port, le lieu de repos des spéculations humaines, il la réserve pour la fin de son grand ouvrage. Quant à la seconde, il la comprend dans la philosophie elle-même.

La philosophie n’a pas à se plaindre du champ qu’il lui assigne : elle a, d’après lui, trois objets : Dieu, la nature et l’homme, c’est-à-dire l’universalité des êtres. Et il a soin de déterminer le genre de lumière dont chacun de ces objets s’éclaire pour l’entendement humain, ce La nature le frappe par un rayon direct. Dieu, à cause de la différence du milieu traversé (ce milieu, ce sont les créations), le frappe par un rayon réfracté. Enfin, l’homme montré et présenté à lui-même frappe l’entendement par un rayon réfléchie[1] » On ne peut mieux dire ; et c’est déclarer sans retard comme sans détour

  1. De Augmentis, lib. III, ch. Ier, t. I, p. 162.