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naville. — hypothèse dans la science

fût ici de déduire les conséquences de la théorie du mouvement accéléré[1]. Mais ce résultat rationnel étant obtenu, Galilée se garda bien de le considérer comme un théorème a priori ; il ne le présenta au monde savant comme une vérité, qu’après avoir vérifié par l’expérience ce qui n’était pour lui, jusqu’alors, qu’une conjecture mathématique. Il n’a pas établi sa loi par l’expérience puisqu’il déclare lui-même qu’il y est arrivé par le raisonnement ; il ne l’a pas établie par l’emploi de la raison seule, puisqu’il déclare l’avoir vérifiée par l’expérience. Il est impossible de méconnaître ici l’application de la véritable méthode : observer, supposer, vérifier. Dès qu’on s’éloigne de la simple expression des faits généralisés pour essayer de préciser leur mode, l’hypothèse intervient nécessairement. Les exemples abondent tellement qu’il n’y a que l’embarras du choix. Prenons-en quelques-uns dans la mécanique céleste, la plus achevée de nos sciences.

La théorie de Kopernik ne porte pas sur une loi, dans le sens propre du terme ; c’est une hypothèse d’une nature spéciale qui était nécessaire pour les grandes découvertes qui devaient suivre. La théorie de Kopernik n’était certainement pas le résultat d’un raisonnement a priori ; tous les raisonnements a priori que l’on faisait alors concluaient au maintien de la doctrine de la position centrale de la terre. Cette théorie n’était pas le résultat de l’observation, puisque l’observation directe conduira toujours à penser que c’est le soleil qui se meut autour de notre globe. C’était une conjecture hardie que le savant Polonais puisa, comme il nous l’apprend, dans les écrits de quelques anciens relatifs à l’enseignement de l’école de Pythagore. Cette théorie ne fut généralement admise dans le monde savant qu’après une lutte qui dura plus d’un siècle. Elle avait contre elle tout le poids des apparences immédiates et un grand nombre d’arguments théoriques généralement en faveur. L’opposition des théologiens, manifestée avec tant d’éclat dans le procès de Galilée, ne fut qu’un des éléments de la lutte, et un élément dont on a beaucoup exagéré l’importance. Il est inutile d’insister ; personne ne saurait contester sérieusement que l’affirmation du mouvement de la terre n’est ni une déduction de la raison pure, ni une donnée de l’expérience, mais une hypothèse confirmée.

Kepler, ayant supposé que les orbites des planètes étaient des ellipses, et non des cercles, comme on l’admettait avant lui, chercha à vérifier son hypothèse. Il se trompa dans ses calculs et rejeta, pour un temps, l’idée vraie qu’il avait découverte, et qu’il réussit à dé

  1. Montucla. Histoire des Mathématiques, tome ii, page 264.