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naville. — hypothèse dans la science

Placer un être dans sa classe, c’est lui assigner une nature qu’on suppose constante, de telle sorte que la désignation de la classe entraîne l’affirmation légitime d’un certain nombre de propriétés. S’il n’existait pas de classes naturelles, le rapport de la pensée et des faits ne pourrait s’établir, puisque toute affirmation générale serait fausse. L’existence de classes naturelles est donc, comme nous l’avons déjà dit, la condition de la pensée scientifique. Le but le plus élevé de la science est de découvrir des éléments primitifs dont les faits qui se présentent à l’observation immédiate sont les composés. La recherche de ces éléments primitifs, ou classes premières des êtres, joue un rôle considérable en chimie. Lavoisier définissait la chimie : « La science qui a pour objet de décomposer les différents corps de la nature, » c’est-à-dire de remonter aux éléments primitifs. Lorsqu’un physicien se demande quelle est la nature de la lumière, et qu’il hésite entre la théorie de l’émission et la théorie de l’ondulation, il agite au fond un problème de classification, puisque la question est de savoir si l’élément objectif de la lumière est une matière spéciale, ou le mouvement particulier d’une matière commune. Une des recherches capitales de la physiologie est de déterminer un certain nombre de tissus élémentaires dont les composés divers produisent les organes. On sait enfin le rôle considérable des problèmes relatifs à la classification en botanique et en zoologie. La question des espèces, si elle est un problème de théorie, et non une simple affaire de nomenclature plus ou moins arbitraire, est la question du nombre et de la nature des classes primitives.

Comment l’esprit du savant procède-t-il dans la recherche des classes ? Il peut arriver, par exception, qu’une découverte de cet ordre se fasse d’une manière fortuite. Un chimiste peut voir apparaître dans ses appareils un corps nouveau qu’il ne cherchait pas ; mais, dans la règle, le savant commence par soupçonner ou conjecturer ; puis il cherche, et enfin, s’il est sur la voie des découvertes véritables, il trouve. La part de l’imprévu diminue à mesure que la science avance. « L’empirisme a fait son temps, disait naguères M. Wurtz ; la science ne pourra atteindre son but que par l’expérience guidée par la théorie[1]. » Nous savons par le propre témoignage de Lavoisier, qu’ayant observé qu’une portion de l’air était susceptible de se combiner avec les substances métalliques pour former des chaux, tandis qu’une autre portion de ce même air se refusait constamment à cette combinaison, « il soupçonna que l’air de l’atmosphère n’est point un être simple, qu’il est composé de deux

  1. Discours à l’Association française pour l’avancement des Sciences, réunie à Lille en août 1874. Voir la Revue Scientifique du 22 août 1874.