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ties du système nerveux dont les fonctions motrices sont incontestables et dont l’excitabilité cependant ne peut être décelée par nos moyens actuels d’investigation.

D’ailleurs il est aujourd’hui démontré que la couche corticale n’est pas inexcitable dans toute son étendue[1]. Comment la vérité s’est-elle faite sur ce point important ? Il n’est peut-être pas sans intérêt de l’exposer, au moins d’une manière sommaire.

Un médecin allemand, M. Hitzig, électrisant la tété d’un malade, dans un but thérapeutique, fut frappé de voir se produire des mouvements des yeux. Il supposa que ces derniers pouvaient bien tenir à l’excitation de la surface du cerveau et tenta de vérifier par l’expérimentation l’exactitude de son hypothèse.

En collaboration avec M. Fritsch, il mit à nu le cerveau chez des chiens et en excita méthodiquement au moyen de l’électricité les différentes régions. Or, dans toutes ses expériences, il put se convaincre que l’excitation de certains points circonscrits détermine constamment la production de certains mouvements des pattes, des yeux, de la mâchoire, etc. Comme le cerveau du chien est sillonné de circonvolutions très-reconnaissables, il est facile de s’assurer que ces parties excitables occupent, chez tous les chiens, une situation parfaitement fixe par rapport aux sillons et aux circonvolutions qui servent de point de repère.

La portée de ces intéressantes expériences, répétées depuis par un grand nombre de physiologistes, a été fort discutée. Selon nous, elles démontrent d’une manière incontestable au moins ce fait que certains conducteurs des impulsions motrices, grâce à des dispositions anatomiques fixes, arrivent jusqu’à certains points de la surface du cerveau, où l’excitation électrique localisée les décèle. Or, puisque certains points seulement possèdent de telles connexions, le dogme de Flourens que toutes les portions de l’écorce sont équivalentes, déjà fort entamé par M. Broca, reçoit un nouveau démenti.

En excitant sur le cerveau d’un singe des points fort circonscrits, M. Hitzig détermina aussi la production de mouvements parfaitement localisés, et un médecin anglais, M. Ferrier, qui fut assez favorisé pour avoir à sa disposition un grand nombre de singes, confirma les résultats de M. Hitzig et les compléta sur certains points[2].

  1. Nous disons la couche corticale, et non la substance grise corticale, parce qu’on discute encore la question de savoir si l’excitabilité des cellules nerveuses elles-mêmes peut être directement mise en jeu, sans l’intermédiaire des fibres blanches qui en émanent. C’est là une question de physiologie générale qui n’est nullement de notre sujet.
  2. Voyez : Hitztg. Untersuchungen uéber das Gehirn. Berlin, 1874, et Archiv. f. Anat. u. Physiol, 1875. — Ferrier. West Riding Lunatic Asylum