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REVUE PÉDAGOGIQUE

les horreurs de la guerre : de pauvres gens des campagnes, qui s’enfuient éperdus devant les hordes d’Attila au temps de sainte Geneviève. La réalité d’aujourd’hui fait pâlir tous les récits d’autrefois. Vous avez vu ces malheureuses familles, réfugiées dans notre ville, après avoir abandonné précipitamment leurs villages livrés aux flammes, sans pouvoir rien emporter que les quelques vêtements que chacun avait sur soi ; elles ont tout perdu, la grange avec la récolte, et l’écurie et l’étable avec attelage et bétail, et la basse-cour, et tout le matériel de ferme, et la maison, avec ses meubles et ses souvenirs, vieux lits des aïeux, berceaux des enfants. Pour secourir tant d’infortunes, ce n’était pas trop du concours de tout le monde à Nancy ; et tout le monde, en effet, s’est mis à l’œuvre, dans une parfaite union, dans un généreux élan de charité. Ainsi des enfants comme vous, plus petits encore, ont été vêtus, abrités, nourris ; et sur eux et leurs mères se sont penchées avec sollicitude la pitié et la bienfaisance des dames et des messieurs de la ville hospitalière.

C’est que nous avons tous, en regardant chaque jour les troupeaux misérables de ces femmes qui attendent dans nos rues aux portes indiquées une distribution de vêtements, de lait ou d’argent, l’affreuse vision de ces villages de Lorraine, devenus autant de brasiers éteints, avec des pans de murs calcinés et noircis, des poutres carbonisées, et des amas de cendres, et la solitude pire que tout le reste. Puis, vision non moins affreuse, sur l’horizon plat de la Champagne envahie, dominant toutes ces ruines, s’est dressé tout à coup comme un colossal bûcher, où sans doute l’ennemi se flattait de brûler un peu de l’âme de la vieille France : la cathédrale de Reims. Sanctuaire où la jeunesse française venait, comme en pèlerinage, s’initier au culte de notre passé national ! Cet été encore, vos camarades de l’École primaire supérieure, revenant des examens de Châlons-sur-Marne, ont fait avec leur maître un détour par Reims, pour s’incliner, en bons écoliers Lorrains, sous ces voûtes qui avaient vu Jeanne d’Arc et sa bannière victorieuse. Qu’elle garde à jamais, l’antique cathédrale, les stigmates de cet incendie criminel ! Elle n’en sera que plus vénérable à nos cœurs. Et cet abominable attentat, commis sous le couvert de la guerre, resserrera davantage encore, dans une indignation commune,