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REVUE PÉDAGOGIQUE

victorieux déjà, et dans l’intervalle des victoires, glorieux toujours : vigoureuse riposte de nos armées à la plus injuste, la plus brutale et la plus sauvage des agressions. Car ce n’est pas dans cette région-frontière qu’on peut donner le change sur qui fut l’agresseur : si quelqu’un osait en douter, nous n’aurions qu’à lui faire voir, dans les petits cimetières de nos villages lorrains, comme fit cette institutrice d’Einville à un Allemand incrédule, des tombes d’ennemis tués sur le territoire français qu’ils avaient violé — à quelle date ? le 30 juillet, plus de quatre jours avant que l’empire d’Allemagne ne nous eût déclaré la guerre.

Et vous avez aussi ce réconfort qui nous manquait en 70, de sentir que la France n’est plus seule aujourd’hui : jamais, au contraire, à aucun moment de son histoire, elle n’a compté dans les deux mondes autant d’amitiés fidèles, dans la vieille Europe et jusqu’en Asie même, ou tout au moins de vives sympathies, là-bas à l’extrémité lointaine de l’Afrique, et dans les deux Amériques, surtout au Canada. Quelle différence avec ce douloureux voyage que fit à travers l’Europe, soutenu par son ardent patriotisme, l’intrépide vieillard, à qui notre ville devait dans la suite élever une statue comme au « Libérateur du territoire », Adolphe Thiers, s’en allant implorer l’un après l’autre ministres et souverains, sans recueillir de chacun d’eux autre chose que des paroles de dédaigneuse pitié, tant notre politique avait alors excité partout la méfiance et un secret désir de notre abaissement ! Aujourd’hui, depuis la Grande et la Plus-Grande-Bretagne, et le colosse Russe, jusqu’à de petits États-frères, comme l’héroïque Belgique, ont dès le premier jour spontanément mobilisé leurs forces ; et vous voyez sur les cartes postales de nos soldats jusqu’à six drapeaux fraternellement unis. Si bien que, mes amis, non seulement vous avez sous les yeux, dans notre chère France, le beau spectacle d’une réconciliation nationale, face à l’ennemi, ce qui est bien naturel entre enfants de la même patrie ; mais vous assistez à cet autre spectacle sublime d’une réconciliation de presque tout l’univers dans un même sentiment d’horreur pour une prétendue « culture » qui révolte les consciences. La fraternité des peuples, ce beau rêve des philosophes, se réalise aujourd’hui entre tous les peuples, sauf un seul, et précisément contre celui-là.