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REVUE PÉDAGOGIQUE

Ces contentions étaient quelquefois poussées plus loin, jusqu’à des violences qu’on n’attendrait pas de la part de ceux à qui elles échappaient, de Bossuet par exemple.

Il était de tradition que, dans les Sorboniques, le prieur de Sorbonne eût en toute chose, comme on disait, le pas. Non seulement il marchait en tête du cortège processionnel et occupait en séance le siège d’honneur ; mais il argumentait le premier tête couverte, quoiqu’il ne fût souvent que simple bachelier. Bien plus, il avait le droit de demander au candidat, avant l’examen, la « preuve » de ses thèses, et, au cours de la soutenance, le récipiendaire devait le saluer du titre de Domine dignissime. Ainsi l’avait à diverses reprises réglé la Faculté contre les prétentions de la maison de Navarre, et de nombreux arrêts du Parlement, ceux de 1602 notamment et ceux de 1618, avaient consacré cette prérogative. Recommandation expresse était faite par la Société de Sorbonne au prieur entrant en charge de n’y laisser porter aucune atteinte. Me Gaston Chamillard, qui se trouvait exercer la fonction en 1650, quand Bossuet se présenta à la Sorbonique, il était fort jaloux de ses dignités. Comme pour se prémunir contre les défaillances, il avait transcrit de sa main, sur le registre des délibérations qu’il tenait, l’arrêt de 1618, et dans une note, également écrite de sa main, qui fait suite immédiate à la copie de l’arrêt, on lit : « Nonobstant que le Frère Danguy, Jacobin, m’ait donné ses thèses prouvées et signées, que M. du Verdier, de Navarre, me les ait données pareillement prouvées et signées, néanmoins depuis, un nommé Bossuet, de Navarre, a fait difficulté de me les donner signées, et parce que je ne voulais pas les recevoir autrement, a fait faire protestation par un nommé Chaalon, notaire, demeurant sur la place Maubert. »

Le nommé Bossuet, qui ne comptait encore que vingt-trois ans, mais qui commençait à se sentir, avait fini par céder sur l’un des points et consenti à fournir les justifications préalables. Mais au cours de l’épreuve, il se refusa net à accorder au prieur toute qualification d’honneur. Le prieur protesta. Non moins ardent,

    soit pas ignorant, parle pourtant fort mal latin, dit pour excuse : Non legeram ista toma. Le docteur qui présidait lui dit plaisamment : Ergo quia vidisti, Thoma, credidisti. » (Historiettes, t. V, p. 187.)