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UN SOUVENIR DES EXAMENS DE LA VIEILLE SORBONNE

M. le cardinal de Richelieu, qui faisait honneur à cet abbé de le reconnaître pour son parent, envoya en Sorbonne le grand-prieur de la Porte, son oncle, pour le recommander. Je me conduisis, dans cette occasion, mieux qu’il n’appartenait à mon âge ; car aussitôt que je le sus, j’allai trouver M. de Raconis, évêque de Lavaur, pour le prier de dire à M. le cardinal que, comme je savais le respect que je lui devais, je m’étais désisté de ma prétention aussitôt que j’avais appris qu’il y prenait part. M. de Lavaur me vint retrouver dès le lendemain matin pour me dire que M. le cardinal ne prétendait point que M. de la Mothe eût l’obligation du lieu à ma cession, mais à son mérite, auquel on ne pouvait le refuser. La réponse m’outra. Je ne répondis que par un sourire et une profonde révérence. Je suivis ma pointe et j’emportai le premier lieu de quatre-vingt-quatre voix. M. le cardinal de Richelieu s’emporta jusqu’à la puérilité ; il menaça les députés de la Sorbonne de raser ce qu’il avait commandé d’y bâtir, et fit mon éloge tout de nouveau avec une aigreur incroyable[1]. » Richelieu, en effet, s’il faut en croire Tallemant des Réaux, ne pardonna jamais à Retz cet échec. « Ce petit ambitieux ! disait-il toutes les fois que le nom du jeune de Gondi était prononcé devant lui ; il a une mine patibulaire ! » On voit que le cardinal de Retz, qui écrivait cette page de ses Mémoires trente ans après l’incident, ne l’oublia pas davantage. Sur le moment, il n’était pas rassuré. D’Argenson le laisse entendre[2], et lui-même ne le nie pas. « Toute ma famille s’épouvantait, écrit-il, mon père et ma tante de Maignelais qui se joignaient ensemble, la Sorbonne, Rennebrac, Monsieur le comte, mon frère, Madame de Gueménée, souhaitaient avec passion de m’éloigner et de m’envoyer à Venise[3]. » Il y alla.

  1. Mémoires, édit. Regnier, 1re partie, p. 116-117.
  2. « Richelieu, dit-il, s’étant fâché contre les docteurs de Sorbonne qui avaient opiné contre son protégé, ils vinrent tout tremblants en informer l’abbé de Retz, qui leur répondit généreusement et fièrement que plutôt que d’occasionner des tracasseries entre Messieurs de Sorbonne et leur protecteur, il se désistait de sa place, content de l’avoir méritée. » (Essais dans le goût de ceux de Montaigne, p. 76.)
  3. Mémoires, p. 118. — Au récit du fait, Tallemant ajoute ce piquant incident d’examen : « Disputant contre l’abbé de Souillac, de la Mothe-Houdancourt, en Sorbonne, Retz cita un passage de saint Augustin, que l’autre dit être faux. Il envoya quérir un saint Augustin et le convainquit. Souillac qui, quoiqu’il ne