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UN SOUVENIR DES EXAMENS DE LA VIEILLE SORBONNE

Grande Chambre des Tournelles, les cinq Chambres des Enquêtes, les deux des Requêtes, la Chambre des Comptes, les trois Chambres de la Cour des aides, l’Hôtel de ville. À chaque station deux harangues : harangue du présenté ou chef de la promotion choisi par ses camarades, qui devait approprier son discours aux divers corps ; réplique du président, dont le fond était quelque ingénieux conseil de métier sur les rapports de la justice ou de l’administration des finances qu’il représentait avec la science théologique : harangue et réplique en latin l’une et l’autre, sauf à l’Hôtel de ville, chez les consuls, où la parole s’échangeait en français. C’est en français aussi qu’était présentée partout l’invitation finale, selon une formule traditionnelle. Le président répondait dans la même langue, avec la courtoisie consacrée : « Comme à l’accoutumé ». Mais là se bornait la politesse. À l’accoutumé, ni les magistrats, ni les consuls ne se rendaient à la cérémonie.

Elle avait lieu le soir. On se piquait à l’envi de rassembler beaucoup de monde, surtout de compter parmi ses hôtes le syndic de la Faculté et les professeurs. À l’heure dite, les licenciés se partageaient en deux bandes, et les tenants engageaient la bataille les uns contre les autres, une bataille de propos sans ménagements. C’était une dernière et libre dispute. Le syndic ne manquait jamais de recommander aux partis adverses de ne se point laisser emporter au plaisir de tout dire. Mais, après deux ans d’études faites en commun, on se connaissait bien, et comme on se connaissait, ou se traitait, « s’en adressant parfois de fort dures ». La lutte aboutissait d’ailleurs à une réconciliation générale. Les camps se rapprochaient. De part et d’autre on plaignait ceux qui, n’étant pas de Paris, étaient obligés de retourner en leur pays ; et, comme dans une dernière agape fraternelle, la séance se terminait par une distribution de grands bassins de confitures à laquelle prenaient part les maîtres ainsi que les étudiants.

Cependant, si, après les examens, telle était l’animation entre les camarades d’études élevés dans la même Maison, on se figure sans peine qu’au cours des examens l’émulation devait plus d’une fois exciter les uns contre les autres les candidats des Maisons différentes. Quelques incidents méritent d’être relevés tant en