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REVUE PÉDAGOGIQUE

un besoin qui est local, presque domestique ; le gouvernement, qui les convie à cette œuvre, ne leur en fournit que le cadre, c’est-à-dire un règlement, des prescriptions et des restrictions.

D’abord, autorisation du préfet, tuteur de la commune, qui, ayant invité la commune à fonder une école, lui a, par une circulaire, expédié toutes les instructions à cet effet, et qui maintenant intervient dans le contrat passé entre le conseil municipal et l’instituteur, pour en approuver ou en rectifier les clauses, nom du titulaire, durée de son engagement, heures et saisons de ses classes, matières de son enseignement, total et articles de son salaire en argent ou en nature, subvention scolaire payée par la commune, rétribution scolaire payée par les élèves, petits suppléments qui aident l’instituteur à vivre et qu’il louche pour remplir des offices accessoires, en qualité de greffier de la mairie, de préposé à l’horloge, de sacristain, sonneur de cloches, et chantre à l’église. — En même temps et par surcroît, autorisation du recteur : car la petite école, aussi bien que les moyennes ou les grandes, est incluse dans l’Université ; le nouveau maître devient membre du corps enseignant, il s’y lie et attache par serment, il en contracte les obligations et sujétions, il tombe sous la juridiction spéciale des autorités universitaires, il est inspecté, dirigé et régenté par elles, dans sa classe et hors de sa classe. Dernière surveillance, encore plus pénétrante et plus active, qui, de près, incessamment et sur place, plane, par ordre et spontanément, sur toutes les petites écoles, je veux dire la surveillance ecclésiastique. Une circulaire du grand-maître, M. de Fontanes, prie les évêques de se faire envoyer « par MM. les curés de leur diocèse des notes détaillées sur les maîtres d’école de leurs paroisses » ; « lorsque ces notes seront réunies, dit-il, vous voudrez bien me les faire adresser avec vos propres observations ; d’après ces indications, je confirmerai l’instituteur qui aura mérité votre suffrage, et il recevra le diplôme qui doit l’autoriser à continuer ses fonctions ; celui qui ne m’offrira pas les mêmes sûretés ne recevra point de diplôme, et j’aurai soin de le remplacer aussitôt par l’homme que vous aurez jugé le plus capable ».

Si Napoléon soumet ainsi ses petites écoles à la surveillance ecclésiastique, ce n’est pas seulement pour se concilier le clergé en lui donnant à conduire la majorité des âmes, toutes les âmes incultes, c’est aussi parce que, dans son propre intérêt, il ne veut pas que le peuple en masse pense par lui-même et raisonne trop. « Les inspecteurs d’académie, dit le décret de 1811, veilleront à ce que les maîtres des écoles primaires ne portent point leur enseignement au delà de la lecture, l’écriture et l’arithmétique. » Au delà de cette limite, si l’instituteur enseigne à quelques enfants les premiers éléments du latin ou de la géométrie, de la géographie ou de l’histoire, son école devient secondaire, elle est qualifiée de pension, ses élèves sont soumis à la rétribution universitaire, à la discipline militaire, à l’uniforme, à toutes les exigences que l’on a décrites : bien mieux, elle ne peut subsister, elle est fermée d’office. Lire, écrire et faire les quatre règles, un paysan qui doit rester paysan n’a pas besoin d’en savoir davantage, et il n’a pas besoin d’en savoir tant pour être un bon soldat ; d’ailleurs, cela lui suffit et au delà pour devenir sous-officier et même officier : témoin ce capitaine Coignet dont nous avons les mémoires,