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modernes : « Nous citerons en jugement Virgile, Horace et d’autres poètes que le préjugé divinise : nous rendrons justice à tout ce qu’ils ont de bon, mais nous ne ferons aucune grâce à leurs fautes : la raison qui les jugera ne connait ni anciens, ni modernes. » Malgré cette assurance, il est aisé de prévoir de quel côté l’abbé sera pencher la balance qu’il se flatte de tenir égale. Cela, au reste, importe peu ; ce qui nous intéressait, c’était de suivre un esprit ingénieux dans le développement d’un plan d’études très complet et très étudié. Sainte-Beuve y signale cependant, avec raison, une grave lacune. Aucune place n’est réservée dans le programme à l’enseignement des langues vivantes. L’abbé de Pons, si avisé à tant d’égards, et si ennemi de la routine et des préjugés, n’a cependant pas senti de quel prix pourrait être la connaissance d’une langue étrangère pour le jeune gentilhomme qu’il veut former. S’il l’eût compris, et n’était le scrupule qui l’empêche de rejeter franchement l’étude des langues anciennes, on pourrait dire qu’il a posé en 1718 la Question du latin et voir en lui l’auteur du premier programme d’enseignement moderne, au sens même où nous prenons le mot aujourd’hui. Mais rien n’autorise à croire que l’ami de Lamotte ait voulu jouer le rôle d’un novateur. Plus philosophe que pédagogue, il n’aspirait vraisemblablement pas à réformer quoi que ce fût dans l’organisation des études de son temps. Il dut lui suffire d’avoir tracé un plan idéal pour un élève imaginaire. L’impression qui s’en dégage, c’est que l’abbé de Pons n’avait peut-être pas une idée très juste du niveau moyen de l’intelligence des enfants, mais qu’il eût, à coup sûr, excellé à cultiver les dispositions heureuses d’un élève de choix. Sainte-Beuve, appréciant sa méthode, dit : « Un Vauvenargues sortirait très bien de cette école particulière ». C’est indiquer d’un mot la valeur et la portée de ces vues sur l’éducation dont nous avons essayé de donner un aperçu aux lecteurs de la Revue.