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désormais. « Notre système d’éducation prit naissance dans un temps où nous étions des barbares ; on fut forcé d’aller chercher dans les écrits des Grecs et des Latins la première idée des sciences et des lettres qu’on se proposait de cultiver en France : il fallut donc commencer l’instruction de la jeunesse par l’étude de ces langues qui, seules, méritaient alors le nom de savantes. Grâce à la noble émulation des Français, leur langue est aujourd’hui la plus savante de l’univers ; le dernier siècle a donné à la nation des écrivains éminents dans tous les genres : philosophes, orateurs, historiens, poètes, traducteurs. Nous avons en ouvrages français de quoi fournir abondamment à l’éducation la plus complète ; nous pourrions, absolument parlant, nous passer des langues étrangères. » Le fougueux champion des modernes n’ose cependant pas aller jusqu’au bout de son système. Il n’approuverait pas « qu’on laissât ignorer la langue latine à un galant homme, parce qu’elle est pour ainsi dire la langue commune de toute l’Europe ; et que, d’ailleurs, les Romains ont porté assez haut les belles-lettres pour avoir droit à notre accueil ». L’élève de l’abbé de Pons apprendra donc le latin, mais ce sera tout à fait à la fin de ses études. Les premières années paraissent trop précieuses « pour devoir être sacrifiées à cet objet ». À quoi donc seront-elles employées ? On les consacrera à meubler l’imagination de l’enfant, « vide de toute idée », en mettant à profit l’impatiente activité de son âme. « Hâtons-nous de donner l’ordre aux passions naissantes ; dirigeons-les de bonne heure à leurs véritables objets ; montrons à notre disciple tous ses devoirs, par des côtés riants et nobles, qui leur concilient son respect et son amour. » L’enseignement de l’histoire sainte semble propre à cette éducation préliminaire. L’enfant connaîtra la grandeur primitive de l’homme, puis sa chute et les conditions de son relèvement. L’abbé de Pons ne dit pas s’il mettra entre les mains de son disciple, dès le début de ses études, les Pensées de Pascal, mais il demande beaucoup à l’intelligence d’un enfant en voulant qu’il se pénètre du sentiment de la déchéance de l’homme et de la grandeur de sa destinée.

« Cette grandeur originelle de notre âme n’est autre chose que la science et la vertu ; Dieu nous donne les moyens d’acquérir l’une et l’autre richesse. La science de l’homme consiste à connaître Dieu, l’homme et toutes les créatures qui composent cet