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UN PÉDAGOGUE OUBLIÉ

L’ABBÉ DE PONS


Le nom de l’abbé de Pons n’éveillerait probablement aucun souvenir, même parmi les lettres, si l’historien de la Querelle des anciens et des modernes n’avait tracé de lui un portrait piquant, mais peu flatté, qui amena une réponse de Sainte-Beuve et une façon d’apologie. L’auteur des Lundis n’a pas dédaigné, en effet, de consacrer deux articles[1] à la réhabilitation de cet abbé littérateur et de lui élever, pour le dédommager des critiques de M. Hippolyte Rigault, non pas précisément une statue, mais — c’est le mot dont il se sert — une statuette. Toutefois, cette apologie n’est pas née seulement du désir de reviser un jugement trop sommaire : le personnage est intéressant en lui-même et mérite d’être étudié. « On sent toujours avec lui, dit Sainte-Beuve, l’homme qui pense et fait penser. » L’éloge n’est pas mince, et nous nous en prévaudrons pour présenter aux lecteurs de la Revue l’analyse d’un opuscule sur l’éducation , que nous avons rencontré dans le petit volume qui renferme les œuvres complètes de l’abbé de Pons[2].

La biographie de l’auteur tient en quelques lignes. Né en 1683, d’une famille noble de Champagne, il fut élu chanoine de Chaumont à vingt-trois ans. Un compétiteur malheureux essaya de l’évincer en arguant que le nouveau chanoine était « moins homme que nain » et que la singularité de son extérieur pouvait « scandaliser les faibles ». L’abbé de Pons répondit dans un factum qui n’est pas le moins bon de ses écrits, et montra que son corps contrefait cachait un esprit vif et vigoureux. Il gagna son procès, mais le plaisir d’avoir remporté la victoire semble lui avoir suffi, car il résigna presque aussitôt son canonicat pour s’installer à Paris, où il devint le lieutenant de Lamotte dans la guerre engagée contre les anciens. C’est en cette qualité qu’il publia successivement une Lettre à M*** sur

  1. Voir les Causeries du Lundi, tome XIII.
  2. Cet ouvrage se trouve à la bibliothèque du Musée pédagogique.