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LA PRESSE ET LES LIVRES

1° Renoncer à une rigueur absolue toutes les fois qu’il y a doute ou partage d’opinion : ainsi on devra admettre consonance comme consonnance, excédant comme excédent, etc.

» 2° Se montrer de même indulgent quand la logique donne raison au candidat contre l’usage et quand la faute qu’il commet prouve qu’il respecte, mieux que ne l’a fait la langue elle-même, les lois naturelles de l’analogie ; ainsi on ne comptera pas comme faute ou l’on comptera seulement comme faute légère bijous au lieu de bijoux, contreindre au lieu de contraindre, cantonier au lieu de cantonnier, charriot au lieu de chariot, imbécille au lieu de imbécile, extention au lieu de extension, appercevoir au lieu de apercevoir, abattis au lieu de abatis, etc.

» 3° N’attacher que peu d’importance à l’application d’un certain nombre de règles fondées sur des distinctions que les grammairiens jugeaient décisives et que la philologie moderne ne confirme qu’avec beaucoup de restrictions, comme les règles de même, vingt, cent, nu, demi, etc. l’orthographe des noms composés, des locutions comme des habits d’homme ou d’hommes, de la gelée de groseille ou de groseilles, etc.

» Mais il n’était pas possible, dans un document de cette nature, de multiplier indéfiniment les exemples. Il n’appartenait pas non plus au ministre de déclarer formellement que la dictée resterait ou ne resterait pas éliminatoire. De là l’hésitation, l’embarras des commissions d’examen. Et puis, il n’est pas toujours bien facile de peser les fautes, et il y aura certainement des différences sensibles dans la notation de ces fautes. Il est vrai qu’on peut trouver la même inégalité dans l’appréciation des épreuves d’écriture, de rédaction et de toutes les épreuves orales.

» C’est là, certainement, l’inconvénient le plus sérieux du régime inauguré par la circulaire du 27 avril. Nous n’avons pas qualité pour préciser plus que ne l’a fait la circulaire les cas dans lesquels les jurys pourront user d’indulgence et ne pas compter faute entière et même ne pas compter de faute. Il nous semble que, pour tous les mots dont l’orthographe a pu varier, il faut se montrer tolérant. Tout ce qui n’est qu’affaire de pure mémoire est de bien moindre importance que ce qui tient à la logique ou à l’analogie.

» C’est depuis un siècle environ que s’est surtout marquée, chez nous, la tendance à donner aux mots une forme immuable. Cela est peut-être regrettable. Ouvrons au hasard Montaigne, et nous trouvons les mots suivants, dont l’ancienne forme nous paraît tout aussi bonne que la forme actuelle : battaille, aureille, gents, applanir, appercevoir, addresse, renger, recommendation, trencher, échaffaud, avaller, rabbattre, batteau, etc.

» Plus près de nous, au contraire, Rollin écrit et recommande d’écrire, en vue de la simplicité : batème, nape, flote, lontems, etc. Vers le milieu du dix-huitième siècle, quelques auteurs écrivent de même, systématiquement, avec une seule consonne, tous les mots dans lesquels nous redoublons cette consonne : ateinte, doner, acuser, etc.