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tique, de l’histoire ou de la géographie ! Mais ces matières sont traitées avec une indigence de détails vraiment surprenante. Dix questions suivies de leurs réponses, voilà la part de l’arithmétique. Quant à la grammaire, on jugera de la façon dont elle est enseignée par la réponse à cette question : « Quelles sont les règles de la grammaire ? — Dans les langues vivantes, l’usage est la meilleure règle ; dans les langues mortes, comme le latin, les règles sont fixes et contenues dans toutes les bonnes grammaires de ces langues. » L’énumération des membres de la famille royale, quelques mots sur la révocation de l’édit de Nantes et les remarques générales suivantes remplissent tout le chapitre consacré à l’histoire de France : « C’est le plus beau et le plus grand royaume de toute l’Europe. Il est parfaitement bien situé pour le commerce, ayant d’un côté l’Océan, et de l’autre la Méditerranée, et étant arrosé par un grand nombre de rivières, et ayant un fameux canal qui joint les deux mers. Il contient environ vingt millions d’habitants. La couronne a des possessions en Asie et en Amérique, et la nation est très industrieuse. Le clergé y est très nombreux. Les revenus ordinaires de l’État passent les 250 millions de livres de France, mais ses dépenses sont considérables. » La géographie est traitée d’une façon tout aussi sommaire, et, si l’écolier veut avoir quelques détails sur son pays, c’est ailleurs qu’il devra les chercher. Mais pourvu qu’il ait de la mémoire il pourra puiser dans son Abrégé des notions très suffisantes sur les sept merveilles du monde, la mythologie et le blason ; car les chapitres consacrés à ces matières tiennent dans l’ouvrage une place relativement considérable. Les règles du blason surtout, jugées sans doute plus utiles à connaître que les règles de la grammaire, sont exposées très en détail et expliquées à l’aide de figures. L’enfant peut ignorer le nom des « nombreuses rivières » > qui arrosent la France, mais il saura, du moins, donner des livrées aux domestiques, conformément à ses armoiries. Il ne commettra pas la faute de mettre couleur sur couleur, ni métal sur métal et retiendra que la principale pièce de l’écu doit fournir la couleur pour la veste et les culottes, les passements, les parements et aiguillettes se prenant des moindres figures de l’écu ». Comme on le voit, ce petit livre s’adressait aux enfants de la noblesse. Le nombre de ses éditions prouve malheureusement qu’il eut du succès. Il est juste d’ajouter qu’il s’améliora en se répandant. Le Musée pédagogique possède une édition de 1805 qui est bien supérieure à celle de 1788. Si l’on y trouve toujours l’énumération sèche et fastidieuse de toutes les branches des connaissances humaines, du moins les notions élémentaires qui sont la base de toute instruction sont exposées avec plus de détails. La partie géographique est plus développée, mais toute l’histoire de France tient encore dans les réponses à dix questions, suivies de l’énumération des rois. Quelle différence entre ce manuel à la fois si vide et si bourré de choses inutiles et nos petits livres élémentaires si simples, si clairs et si précis !