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REVUE PÉDAGOGIQUE

Mais il faut s’arrêter, quoiqu’on en ait, car c’est presque tout le livre que l’on se laisserait aller à citer page à page. Restons sur cette dernière, si grave d’accent, et qui est en même temps d’une expérience si vraie et si réelle. Celle qui l’a écrite y a certainement dévoilé le secret de son équilibre intérieur, de la force à la fois et de la grâce de sa pensée. Nous parlions en commençant de l’inspiration supérieure qui anime cette pensée. Si elle ne se résume nulle part en un exposé dogmatique, elle n’en est pas moins très visible et très ferme. C’est une inspiration profondément religieuse et parfaitement laïque. Ces deux traits la caractérisent autant l’un que l’autre. Pour Mme Quinet, le but de la vie n’est pas contenu dans cette vie. La vraie destinée de l’homme dépasse de toutes parts les bornes d’ici-bas, elle est divine au plein sens du mot, car elle consiste à réaliser un idéal de vérité et de bonté qui a sa source dans l’Esprit infini. Mais cette foi profonde est en même temps toute pénétrée du sentiment laïque, toute liberté et toute raison. C’est uniquement aux puissances naturelles, aux forces vives de l’esprit libre et de la conscience libre, que fait appel Mme Quinet. Elle a foi dans la nature humaine, et dans son aptitude à saisir seule le vrai et à le réaliser. Il circule dans ces pages je ne sais quel souffle venu de l’antiquité, le souffle pur et vivifiant qui a passé jadis sur les ombrages d’Académus et rafraîchi les immortels causeurs du cap Sunium : c’est l’esprit de la philosophie grecque, si haute et si raisonnable, si pratique et si religieuse, si pure d’ascétisme et pourtant si pleine du divin, par là si moderne, j’entends si propre à soutenir et à nourrir l’âme et les œuvres de notre temps.