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REVUE PÉDAGOGIQUE

nos écoles normales et nos lycées nous préparent, ne sera ni athée, ni catholique, ni protestante, mais un sentiment religieux profond, éclairé par la lumière de l’esprit moderne, animera l’éducation dont elle aura charge ; elle saura unir dans une juste mesure le culte immuable d’un idéal divin et mystérieux avec les hardiesses d’une intelligence affranchie de toute superstition. »

Ces nobles paroles expriment une noble confiance et dans le pouvoir de l’éducation et dans les aptitudes des éducatrices. Mais on se méprendrait en y voyant la preuve que l’auteur rêve pour la femme de l’avenir un rôle étranger à sa vraie nature. Le clair bon sens français ne perd jamais ses droits avec Mme Quinet :

« Non, les femmes du xxe siècle ne causeront pas entre elles algèbre, astronomie, numismatique, et il n’y aura pas de bataillons scolaires féminins. Les grâces légères de l’esprit français, ornement délicieux de la conversation, ne seront pas bannies d’un salon, parce que les intelligences se trouveront lestées d’un savoir solide. Les femmes se garderont bien d’en faire l’étalage fastidieux, mais tout dans leurs paroles, dans leur maintien, révélera un degré de vie supérieure. Un millionnaire qui l’est depuis longtemps ne s’amuse pas à détailler dans ses conversations le placement de ses capitaux ; une vraie patricienne n’aura pas l’idée d’énumérer ses titres nobiliaires ; de même la femme française de l’avenir n’exhibera pas ses richesses intellectuelles pour le sot plaisir d’en faire parade.

La mission de la femme, telle que je la conçois, est à la fois très simple et d’une ambition surhumaine. La femme n’aspire pas à l’égalité, aux droits de l’homme. Elle aspire à des droits supérieurs. C’est plus facile, la loi ne les interdit pas. Quels sont ces droits supérieurs ? Ceux que personne ne réclame. Pour les exercer, il faut une abnégation entière de soi-même ; il faut d’abord s’armer contre l’injustice, contre le sarcasme. Laissez dire ; le monde, qui n’a pas le temps d’examiner ce qui est vrai ou faux, commence par ricaner : ne vous en inquiétez pas. Votre vie a un but plus élevé que de plaire ou de déplaire à ce monde éphémère et changeant ; ce Protée finit par être terrassé et peut-être avez-vous contribué aussi à le dompter. L’ambition sainte de la femme, c’est d’être le bon génie qui veille sur ceux dont elle a charge d’âme. »

Il y a, dans le volume de Mme Quinet, un chapitre qui sera peut-être le plus précieux de tous pour ceux qui ont charge d’éducation, et qui sentent la difficulté de renouveler en eux-mêmes, pour la communiquer aux autres, la vie intérieure, l’énergie de la pensée et du sentiment. C’est le chapitre intitulé :