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REVUE PÉDAGOGIQUE

Rien qui ressemble à cette dot qui, dans l’ancien droit romain, l’ancien droit gaulois, l’ancien droit français, forme l’apport de la mariée et fait qu’elle est une personne qui possède, une associée de l’époux. Ou du moins la çedak n’est que l’embryon de la dot : elle consiste en un vêtement et quelques bijoux que le père donne à sa fille pour qu’elle n’entre pas toute nue sous le toit marital. Encore ces bijoux ne restent-ils pas toujours sa propriété le père peut les reprendre ou le mari se les approprier.

Le mari l’a achetée ; elle est sa chose. Il peut la faire travailler à sa guise ; il a le droit de la châtier avec le poing, avec la matraque, même avec un poignard, pourvu que la mort ne s’ensuive pas.

Voyons ce que sont assez souvent les deux époux.

Lui, il peut être vieux, laid, impotent. Dans les chansons kabyles, la jeune fille se plaint qu’on l’ait livrée à un homme dont « la figure est comme le coucher du soleil », à un fumeur qui pue le tabac, à un rustre qui sent le raton quand il a plu, à un monstre qui a la face d’un hibou, les pieds d’un coq ; à un chaudron, à un bouvillon rétif, à un éclopé, à un teigneux couvert de poux, qui a perdu toutes ses dents, qui n’a qu’un âne pour toute fortune.

Elle ? devinez quel âge elle peut avoir. Elle a douze ans, dix ans, huit ans ! Rien ne prohibe ces unions dénaturées, ni le kanoun kabyle, ni la lui française encore impuissante.

Sur ce trafic matrimonial, la religion intervient, laisse tomber une manière de bénédiction. Un taleb prononce deux versets du Koran. Et c’est tout.

Il en faut moins encore pour divorcer. Ou plutôt ce mot divorcer est impropre, car il suppose une réciprocité de droit. C’est répudier qu’il faut dire, car le mari seul peut briser le lien. Il lui suffit de prononcer ces mots : « Je te répudie, et je mets sur ta tête telle somme. »

Ce dernier membre de phrase surtout est terrible : mettre sur la tête de la femme telle somme, cela veut dire que le mari ne lui permettra d’épouser un autre que si celui-ci lui paie sa rançon. Les plus honnêtes se contentent de rentrer dans leur prix d’achat ; les plus âpres au gain ou à la vengeance élèvent