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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

réciproques, s’appelle d’un nom bien caractéristique : ertel, « la dette » ; il est « un prêt dont la quittance ne peut se donner que sur un autre cadavre ». À la différence de ce qui se passait chez les Germains, il n’y a pas de « composition » pour le meurtre le meurtrier ne peut s’acquitter en payant le wergeld des lois franques. Les Arabes acceptent le prix du sang, la dia, mais non pas les Kabyles, à l’exception des Aït-Yala. Cependant le fredum, & amende pour la paix », que chez les Germains le coupable devait au roi pour avoir violé la paix publique, existe chez les Kabyles : il se paie à la djemda (conseil) du village. Si le meurtre a été involontaire, la famille lésée peut, — mais elle n’y consent pas toujours, — renoncer à la rekba. Alors le meurtrier vient la trouver avec une pièce de toile et dit : « Si vous voulez me tuer, tuez-moi : voici mon linceul. Si non, pardonnez-moi : je serai désormais un de vos enfants. » Quand le pardon lui est accordé, il est considéré comme appartenant à la kharouba et au çof du défunt. Si le meurtre n’est point puni par le kanoun et n’est considéré que comme un fait de guerre privée, il n’en est pas de même de l’empoisonnement, car c’est là un moyen honteux de se venger, et qui entache la horma, l’honneur de la tribu : certaines coutumes prononcent contre l’empoisonneur la peine de mort. La plupart des crimes ou délits contre la propriété, les bonnes mœurs, l’honneur des femmes, la sûreté du village, sont punis quelquefois de la mort, plus souvent d’une amende. Les kmoun kabyles, comme la loi des Francs Saliens et les autres Leges Barbarorum, contiennent un tarif gradué des crimes et délits ; un baiser donné à une femme comporte une amende plus élevée qu’un assassinat. L’homme qui parle à une femme sur le chemin, qui se trouve exprès sur son passage, qui va en même temps qu’elle à la fontaine, qui monte sur un cheval, sur une terrasse ou sur un minaret pour regarder dans l’intérieur des maisons, doit une amende. La procédure criminelle des Kabyles rappelle également celle des Germains : j’ai déjà parlé des cojuratores.

La loi civile des kanoun est absolument indépendante du Koran. Le divorce, par exemple, est plus facile chez les Kabyles que chez les Arabes. Un des points sur lesquels les deux législations sont le plus en désaccord, c’est le droit des femmes à l’héritage paternel. Reconnu par le Koran, il est nié ou fort réduit par les