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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

de l’expliquer par les immigrations, infiniment plus récentes, de races historiques, de colons qui adorèrent d’abord les dieux de l’Italie et de la Gaule, professèrent le christianisme au temps de saint Cyprien et de saint Augustin, tombèrent dans l’hérésie donatiste avec les Circoncellions, acceptèrent l’arianisme des conquérants vandales, et, après avoir été des chrétiens assez douteux, sont devenus des musulmans d’une espèce particulière ?

Le genre de vie des tribus algériennes ne s’explique pas uniquement par l’ethnographie : celles qui habitent les montagnes et les terres fertiles du Tell sont nécessairement sédentaires et agricoles ; celles qui habitent les plateaux et les sables sont nécessairement nomades et pastorales ; celles qui se trouvent à la lisière des deux zones, comme les gens de l’Aurès, sont bien forcées de combiner les deux modes d’existence. La race n’y est pour rien : l’Arabe de la Metidja naît agriculteur, tandis que le type le plus parfait du nomade est précisément le Touareg, qui est un Berbère presque pur.

En Algérie comme ailleurs, bien plus que la race, c’est la nature du sol, ce sont les nécessités de la vie, c’est l’histoire, qui ont fait les mœurs. qui ont fait les peuples.

La Grande-Kabylie en est un exemple frappant : ses habitants, pour la plupart, descendent ce que les Romains appelaient les Numides ; or numide est synonyme de nomade. Devenue le refuge des anciens sujets de Massinissa, elle les a saisis, travaillés, repétris. Elle a été le moule rugueux où se sont fusionnés les éléments hétérogènes, où une race de vagabonds, de pillards, d’impétueux cavaliers s’est transformée en un peuple de sédentaires, adonnés à l’agriculture et à l’épargne, allègres marcheurs comme des Basques et fantassins infatigables, connaissant à peine le cheval et ne montant plus qu’à dos de mulet.

La Kabylie explique le Kabyle, car elle l’a fait ; elle lui a dicté son organisation municipale et fédérative, ses lois, presque sa religion et ses mœurs, même son architecture et sa stratégie.

L’histoire a pris deux poignées de Berbères. Elle a jeté l’une dans le désert, l’autre dans les labyrinthes montagneux de l’Atlas : il en est résulté, d’une part, le Touareg, de l’autre le Kabyle. Tâchez maintenant de retrouver en eux les deux frères !

La Grande-Kabylie est un véritable archipel de pics, de mame-