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REVUE PÉDAGOGIQUE

serait prélevée sur le budget de l’assistance publique, comme l’est actuellement celle qui concerne les médecins de colonisation. Ne serait-ce pas, sous tous les rapports, une excellente mesure que de créer un corps de médecins indigènes, comme nous le faisons pour les instituteurs ? Médecins et instituteurs indigènes, élevés dans les idées françaises, soutenus et dirigés par l’autorité française, deviendront les serviteurs fidèles, les agents dévoués, les fils de la France, et répandront peu à peu notre civilisation au milieu des tribus, jusqu’à présent fermées à notre action ;

5° Le décret du 7 avril 1884 accorde, pour la représentation des indigènes musulmans dans les conseils municipaux, le titre d’électeur à tout musulman âgé de vingt-cinq ans, résidant depuis au moins deux ans dans la commune, et se trouvant parmi les propriétaires fonciers ou les fermiers, les employés de l’État, du département ou de la commune, les décorés de la Légion d’honneur ou de la médaille militaire, ou les titulaires d’une pension de retraite. Même en cette matière, l’instruction française ne donne aucun avantage. Peut-être objectera-t-on qu’il est difficile de la constater. Il serait peu pratique, assurément, de réclamer la création d’un nouvel examen. Mais pourquoi ne s’en tiendrait-on pas à celui qui existe actuellement, le certificat d’études primaires ? Ne serait-il pas possible de faire, des indigènes qui le possèdent, une nouvelle catégorie d’électeurs et d’éligibles, dès aujourd’hui, et de l’exiger de tous, pour être électeurs et éligibles, mais seulement dans un délai suffisant, par exemple dans quinze ou seize ans, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 1908 ?

Il y aura probablement d’autres mesures à prendre. Il y avait depuis quelques années, il faut bien le dire, un peu d’inertie en matière de civilisation des indigènes, ou plutôt peu de confiance, une crainte excessive des difficultés, et une résignation trop facile. Les pouvoirs publics paraissent disposés à secouer cette torpeur, à ne pas se laisser arrêter par cette défiance. L’Université, qui aime les indigènes parce qu’elle voit en eux des compatriotes futurs, et qui a une foi robuste en la puissance civilisatrice de l’éducation française, ne pourra que se féliciter de ce changement. Elle ne pense pas, sans doute, que le meilleur chemin, pour arriver à la fusion des idées et des sentiments, soit de commencer par l’association dans le travail et la solidarité dans les intérêts. Elle croit qu’il n’y a ni association, ni solidarité possible, sans une certaine communauté de pensée, de vues, d’intentions et de langage. C’est ce premier rapprochement que l’école primaire se propose de préparer. Le reste deviendra ensuite possible.