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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

sociale et positive. Il n’aurait une supériorité que s’il avait des rapports d’affaires avec les Français, ou s’il attendait d’eux une situation. Ceux qui se trouvent dans l’un ou l’autre de ces deux cas ne constituent qu’une infime minorité, presque une exception.

Il faut, de toute nécessité, qu’il en soit autrement à l’avenir.

Ce point de vue de la question indigène exigerait des développements dans lesquels je ne puis pas entrer. Qu’on me permette de me borner à quelques indications.

1° Les jeunes indigènes sortant de nos écoles primaires, à treize ou quatorze ans, devraient trouver, en Algérie, les moyens de se préparer spécialement aux professions industrielles, agricoles et commerciales. Comme cette préparation ne saurait leur être donnée par leurs parents, il faut qu’ils puissent la demander soit à l’apprentissage chez un patron, artisan, cultivateur ou commerçant, soit à des écoles professionnelles, mais sans être obligés de s’éloigner de leurs familles ;

2° Un certain nombre d’emplois publics sont réservés à des indigènes. Nous ne demandons pas que l’instruction française y donne droit par elle seule ; mais ce ne serait pas trop exiger que d’émettre le vœu qu’elle devienne au moins un motif de préférence en faveur des candidats possédant d’ailleurs les qualités de moralité, de caractère, d’autorité, d’activité, d’énergie, requises pour l’emploi ;

3° Des compagnies de chemins de fer ou de navigation, des sociétés agricoles ou commerciales, des entrepreneurs de travaux recourent à la main-d’œuvre étrangère. Ne serait-il pas possible de les décider à faire appel, sinon à des Arabes, qui ne sont guère travailleurs, du moins à des Kabyles, et à les utiliser suivant leur degré d’instruction ?

4° En territoire indigène, des centaines de mille d’êtres humains restent dépourvus des secours médicaux les plus élémentaires et les plus indispensables. Ne serait-il pas possible de former pour eux des médecins indigènes ? Quelques jeunes Arabes ou Kabyles qui auraient, dans nos écoles primaires, fait preuve d’aptitude pour le travail intellectuel — et ils ne seraient pas rares, — seraient dirigés vers nos lycées ou collèges, où ils seraient placés en qualité de boursiers, mais après avoir obtenu leur bourse au concours, toujours pour raison d’égalité.

L’enseignement secondaire spécial les préparerait au certificat d’études exigé des futurs officiers de santé par le décret du 30 juillet 1886. Une bourse de 800 francs par an leur serait accordée ensuite à l’école de médecine d’Algers, où ils suivraient les cours et exercices pratiques en vue du grade d’officier de santé, ou d’un titre équivalent, lorsque celui-là serait supprimé. La bourse d’études médicales ne leur serait concédée qu’à la condition de prendre l’engagement de rester pendant dix ans à la disposition du gouverneur général, qui leur assignerait des résidences dans les tribus. Ils y recevraient des traitements de 1,200, 1,400 et 1,600 francs selon la classe. La dépense