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REVUE PÉDAGOGIQUE

raisons qu’il n’a pas l’occasion de faire dans les territoires arabes[1] ».

Ainsi, parmi les communes de plein exercice de l’Algérie, les unes, simples villages, bourgs ou villes, reproduisent à peu près le type de nos communes françaises ; les autres sont en réalité des espèces de cantons, peuplés d’indigènes, mais ayant pour chef-lieu communal quelque centre français. Là, les indigènes se confondent avec les Européens dans les mêmes rues et dans les mêmes maisons ; ici au contraire, ils habitent des villages plus ou moins éloignés du centre, mais réduits à n’être que la banlieue d’un village français, soumise à l’autorité d’une municipalité à l’élection de laquelle ils n’ont point contribué.

Le mot de commune déroute encore plus nos idées quand il s’applique à une commune mixte civile. Celle-ci nous présente toujours une minorité européenne noyée au milieu d’une multitude d’indigènes. Son territoire peut s’étendre sur 23,300 hectares, comme celle du Djurdjura ; sur 45,780, comme celle du Haut-Sébaou ; sur 50,448, comme celle de Dra-el-Mizan ; sur 62,550, comme celle de Fenaïa ; sur 200,000, comme celles de Khenchela ou Rir’ha ; sur 300,150, comme celle de Frenda ; sur 400,000, comme celle de Telagh : c’est-à-dire que ce territoire peut égaler l’étendue de deux ou trois cantons de France, même d’un arrondissement, même d’un département. La commune mixte peut avoir 57,000 habitants comme celle du Djurdjura, 88,000 comme celle de la Soumam (cours inférieur de l’Oued-Sahel). Sa population, presque tout entière musulmane, peut se répartir en douze ou quinze tribus ou confédérations, habiter trente ou quarante douars arabes épars dans le désert, ou, comme en Grande-Kabylie, trente ou quarante villages séparés par des ravins de profondeur vertigineuse. C’est toujours une commune !

Voici comment elle est gouvernée : l’Administrateur civil, nommé par arrêté du gouverneur général, fait les fonctions de maire, assisté d’un adjoint, qui appartient également à la carrière. Au lieu de conseil municipal, il préside une commission adminis-

  1. Déposition devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Officiel du 30 avril 1875, p. 31 4.