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REVUE PÉDAGOGIQUE

conseil à titre d’adjoint indigène. Mais, conseillers au titre indigène ou adjoints indigènes, ce sont des personnages sans autorité puisqu’ils ne sont pas élus par la masse de leurs coreligionnaires, et sans influence sur les affaires communes, puisqu’ils ne forment au conseil qu’une infime minorité.

En même temps que la population musulmane a, dans la plupart des communes françaises, la prépondérance numérique, elle n’a pas une infériorité si décidée au point de vue de sa part contributive dans le budget colonial ou dans les budgets municipaux. M. Constans rappelait en février, à la tribune du Sénat, que le total des impôts perçus en Algérie est de 80,686,018 francs, dont 44,405,142 payés par les Européens et 36,280,876 par les indigènes. Les recettes communales s’élèvent à 28,853,845 francs, dont 13,486,637 supportés par les Européens et 12,367,208 par les musulmans. Ces derniers sont donc en droit de penser qu’ils ne jouissent pas d’une part équitable de représentation dans les conseils municipaux. Évidemment il ne peut être question ici de proportion exacte ni d’équité absolue : il faut, à tout prix, que l’élément français conserve partout la prépondérance ; mais nous allons voir qu’on pourrait être plus juste sans mettre celle-ci en péril.

Pour nous en tenir aux communes de plein exercice, citons des exemples. À Alger, où les musulmans sont au nombre de 17,440 sur un total de 71,199 habitants, ils ont dans le conseil municipal 6 conseillers sur 31 ; ici la proportion est donc à peu près équitable. Il n’en est déjà plus de même à Constantine ; ils n’ont que 6 conseillers sur 30, tandis qu’ils font près de la moitié de la population : 21,164 sur 44,960. Dans les petits centres, l’inégalité est encore plus marquée. À Littré, où ils sont 1,223 sur 1,431 habitants, ils n’ont que 2 conseillers sur 6 ; à Cavaignac, où ils sont 2,002 sur 2,213, seulement 3 conseillers sur 13. Dans la commune française de Dellys, dont le territoire est grand comme un de nos cantons, qui comprend plusieurs tribus, une douzaine de villages kabyles, avec une population de 11,503 musulmans sur un total de 13,288 âmes, ils ne sont représentés au conseil que par 4 membres sur 13. À Tizi-Ouzou, autre commune française, qui, sur un territoire de 27,000 hectares, compte 24,286 indigènes et seulement 1, 377 Français, les premiers n’ont que 3 conseillers sur 12.