Page:Revue pédagogique, second semestre, 1891.djvu/399

Cette page n’a pas encore été corrigée
389
L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

sera que de 3,172. Or 3,172 écoliers pour une population musulmane de près de 3,300,000 âmes, cela ne fait pas un écolier par mille indigènes !

Il convient de noter ici l’initiative prise par certaines congrégations.

Au lendemain de l’insurrection de 1871, qui souleva la Kabylie presque entière et qui, suscitée par les khouan de l’ordre des Rahmania, avait pris le caractère d’une guerre de religion, les jésuites avaient paru dans le cercle de Fort-National. C’était un ordre religieux contre un ordre religieux, les fils de Loyola contre les enfants d’Abd-er-Rahman-bou-Kobreïn, les frères contre les khouan[1], avec une règle un peu différente, le célibat n’étant point obligatoire pour les musulmans, mais avec une formule d’obédience presque identique, car le perindè ac cadaver des jésuites se retrouve mot pour mot dans les ouerd[2] des khouan. Les jésuites avaient fondé, presque sous le canon de Fort-National, deux écoles : celle d’Aït-Larba chez les Beni-Yenni, et celle de Djemâa-Sahridj chez les Beni-Fraouan. Les Pères Blancs de Notre-Dame d’Afrique les suivirent de près. Avec leur costume qui reproduit presque celui des indigènes, la longue robe blanche, qui rappelle la gandoura, le burnous blanc, la chéchia rouge sur la nuque, ces soldats obéissants du cardinal Lavigerie, ces zouaves de l’Église d’Afrique eurent encore plus d’action sur les vaincus. Nous les trouvons établis bientôt sur plusieurs points.

Cette double tentative des Pères Jésuites et des Pères Blancs était assurément intéressante pour le moment elle n’ajoutait que quelques douzaines d’unités au faible total de nos effectifs scolaires.

La situation réclamait un effort énergique du ministère de l’instruction publique. Or tout ministre qui voudrait faire cet effort allait avoir à compter : 1° avec les communes de l’Algérie, puisque notre législation scolaire attribuait alors et attribue encore aux communes l’initiative des créations d’école, leur en faisant

  1. Khouan, en arabe, signifie frère ; khouat, sœur ; car il y a aussi des femmes affiliées aux ordres musulmans.
  2. Ouerd, règle. « Tu seras entre les mains de ton cheikh comme le cadavre entre les mains du laveur des morts. » (Règle des Rahmania).