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SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

pour n’être ni réparées ni entretenues. Nous avons donc tout intérêt à donner le métier aux Arabes.

» Dans les villes, les besoins journaliers en détermineront la nature. Dans les campagnes, au sein du douar, on pourra les limiter aux nécessités de la tribu, en s’attachant de préférence à des éléments pratiques d’agriculture. »

Des lignes qui précèdent il résulte que l’idéal serait d’enseigner à l’école, du moins dans les grandes villes, tous les métiers divers « dont les besoins journaliers détermineraient la nature ». Mais comme il nous serait peut-être difficile, quel que soit notre bon vouloir, de former, dès l’école primaire, des tailleurs d’habits, des tisseurs, des cordonniers, des tanneurs, des boulangers, des bouchers, des potiers, des chaudronniers, on nous permettra de nous borner à certaines professions qui « correspondent à des besoins constants et ont cours partout », telles que celles de forgeron, de serrurier, de menuisier et sans doute aussi de charpentier et d’ébéniste.

Je demande la permission de faire remarquer que tous les enfants d’une école, même dans une ville, ne sont pas destinés à choisir plus tard entre ces cinq métiers, et je ne vois pas de quel droit ni dans quel but nous les y préparerions tous.

Il n’est pas utile, pas plus chez les Arabes que chez les Français, que tout le monde soit serrurier ou menuisier, et je me demande avec inquiétude ce que deviendra la population musulmane, lorsqu’un jour, grâce à nous, elle regorgera de gens de ces professions.

Mais l’Algérie manquant d’ouvriers, nous dit-on, ne devons-nous pas lui en préparer ? Ne vous inquiétez pas des débouchés, ils s’offriront tout seuls. Lorsqu’il y aura surabondance sur un point, le surplus se répandra ailleurs, de sorte que peu à peu sur tous les points du territoire tous les besoins seront satisfaits.

Il y a dans la colonie environ 200,000 Français et 200,000 étrangers, en tout 400,000 Européens en face de plus de trois millions d’indigènes. En supposant que les 400,000 civilisés soient dépourvus d’ouvriers appartenant aux métiers dont il s’agit, ce qui n’est pas, combien leur en faudrait-il ? Peut-être 1 de chaque métier pour 400 habitants en moyenne, ou 5,000 des cinq métiers pour 400,000. Mais comme il existe déjà sur presque tous les points des ouvriers français ou étrangers : je crois que deux ou trois mille recrues indigènes trouveraient à peine à s’occuper. Les garçons de quatre à cinq villes suffiraient pour fournir ce contingent. Que ferions-nous de tout le reste, et si ceux à qui nous ne donnons aujourd’hui qu’une instruction générale sollicitent des emplois, ceux que nous aurions préparés à des professions manuelles n’auraient-ils pas le droit de nous demander du travail ?

S’imagine-t-on que les trois millions d’indigènes utiliseront aussi les services de leur coreligionnaires initiés aux métiers français, et que pour les employer ils n’attendent que le moment de les avoir sous la main ? Illusion pure ! Les Kabyles, pas plus que les Arabes, ne