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REVUE PÉDAGOGIQUE

prévoir que ceux qui en auront bénéficié, ne se sentant plus, comme précédemment, supérieurs à la foule, n’auront pas non plus la prétention de s’en distinguer, d’être placés à sa tête, de jouir de faveurs qui ne sont pas faites pour tous. Ils resteront plus volontiers à leur place quand ils verront qu’ils n’ont pas plus de titres que les autres pour en sortir.

Ce changement de système suffira-t-il pour donner à l’instruction des indigènes plus d’efficacité, et surtout des effets plus salutaires, ou bien faudra-t-il aussi, comme le réclament, avec Mme Coignet, plusieurs autres personnes, réformer radicalement l’enseignement lui-même, lui donner un caractère plus nettement utilitaire, le transformer enfin en enseignement rudimentaire professionnel ?

Si le projet était pratique et propre à produire les bons effets qu’on paraît en attendre, je serais le premier, je n’ai pas besoin de le dire, à le préconiser. Mais comme je suis convaincu, après un commencement d’expérience et après examen attentif, que cette réforme, poussée au point où on le voudrait, est impraticable, et que si elle était possible elle ne donnerait que des résultats insignifiants en ce qui concerne l’enseignement professionnel, tout en affaiblissant et en stérilisant l’enseignement primaire proprement dit, mon devoir est de repousser cette innovation.

Je dois déclarer toutefois que ce que je viens de dire ne s’applique pas aux écoles de filles. Les divers travaux du ménage, couture, tricot, broderie, blanchissage, repassage, cuisine même et jardinage, y sont parfaitement à leur place ; la connaissance en sera utile à toutes les élèves et nos institutrices sont pour la plupart en état de les enseigner. Aussi suis-je d’avis que dans les rares écoles de filles qui se créeront la moitié du temps y soit consacrée. C’est d’ailleurs ce que nous avons recommandé depuis de longues années et c’est, en général, ce qui se fait. Je mets donc à part ces écoles, qui ne seront au reste qu’une exception pendant bien longtemps encore, ainsi que je l’ai dit plus haut.

Mais dans les écoles de garçons, quels sont les travaux professionnels pouvant être enseignés de même et dans la même mesure ? Quels sont ceux qui seront utiles aussi à tous les enfants d’une même école, et pour lesquels nos instituteurs aient ou puissent avoir une compétence suffisante ? Quels sont ceux enfin qui puissent être organisés assez sérieusement pour qu’on n’hésite pas à y consacrer la moitié du temps des classes ?

« Certains métiers, écrit Mme Coignet, correspondent à des besoins. constants et ont cours partout. Tels, par exemple, la forge, la serrurerie, la menuiserie, etc. Par qui sont-ils exercés en Algérie ? ni par les Français, qui les dédaignent, ni par les Arabes qui les ignorent. Ils sont exercés par des étrangers, souvent maladroits, et toujours, en raison de la rareté, d’une exigence extrême. La main d’œuvre est hors de prix, et encore les bras manquent. Les choses périclitent