Page:Revue pédagogique, second semestre, 1891.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée
11
SUR L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

points avec résignation, notamment en pays kabyle. Mais dans les villes, dans les communes administrées par des municipalités élues par les habitants français, et dans un grand nombre de tribus arabes, elle donnerait lieu à des inconvénients. On pourra toujours y recourir s’il le faut ; mais il serait préférable d’essayer d’abord d’autres moyens. Lorsque le maître est habile, zélé, actif, dévoué à ses élèves, et que l’administration locale lui prête son concours, il est rare que l’école ne soit pas fréquentée. Un administrateur de commune mixte qui veut user de son influence pour assurer la prospérité d’une école, qui déclare hautement ses intentions aux chefs indigènes placés sous ses ordres, qui leur tient compte des efforts qu’ils font pour le seconder et qui montre dans toute occasion qu’il ne tolérera chez eux, en cette matière, ni négligence ni mauvais vouloir, obtient ordinairement des résultats satisfaisants, sans avoir besoin de recourir aux amendes dont parle plus loin Mme Coignet, ni aux autres peines du Code de l’indigénat. Il serait facile de citer des exemples. Ce qui est vrai des administrateurs de communes mixtes l’est aussi des officiers du territoire de commandement. On pourrait même citer deux ou trois maires de communes de plein exercice auxquels les mêmes moyens ont réussi. Mais quand l’instituteur est médiocre et l’administration locale indifférente, l’école reste vide.

Mon avis est qu’il sera possible d’établir l’obligation scolaire, mais avec des tempéraments, dans les localités de la Grande et de la Petite Kabylie qui seront pourvues d’écoles suffisantes. En pays arabe il ne faudra y recourir qu’à la dernière extrémité.

Sur l’instruction des jeunes filles indigènes[1], M. Jeanmaire s’exprime ainsi :

La création de l’internat de jeunes filles musulmanes de Thaddertou-Fella, appelé improprement orphelinat, bien qu’inspirée par une pensée généreuse, a été une erreur. Ces jeunes filles ne sont pas, en général, des orphelines, mais des enfants de familles pauvres, que la commune mixte de Fort-National instruit, nourrit et entretient à grands frais. Elles vivent séparées de leurs parents, et redoutent comme le dernier des malheurs de retomber en leur pouvoir. Devenues, par l’éducation qu’elles reçoivent, moitié françaises tout en restant moitié kabyles, elles sont exposées à n’être que des déclassées.

Quelques-unes, peut-être, épouseront des moniteurs indigènes ; d’autres obtiendront des emplois dans les écoles enfantines musulmanes ; mais la plupart sont sans avenir, et il est triste de penser que l’instruction française qu’elles ont reçue leur sera plus nuisible qu’utile, à moins que nous ne nous chargions de leur sort. Notre devoir est de ne pas les abandonner ; mais nous devons aussi avoir

  1. Voir la lettre de Mme Coignet, p. 333.