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REVUE PÉDAGOGIQUE

publiques tiennent chambres à louage du Principal, que l’on nomme pédagogues, parce qu’ils ont la charge et gouvernement sur quelques enfants de maisons. »

Restreint à ce sens, le mot de pédagogue ne se maintint pas en honneur. Il servait le plus souvent à caractériser un pédantisme hautain et morose. La Fontaine, qui n’aimait pas les enfants, n’est pas plus tendre au pédagogue. Molière le tourne en ridicule. Rollin s’abstient d’en parler. Jean-Jacques Rousseau le prend à partie sans ménagement. De nos jours le nom a repris faveur. C’est la pédagogie qui a réhabilité le pédagogue.

Nul, en effet, ne conteste aujourd’hui qu’il y ait une science pédagogique. Historiquement, on en recueille à l’envi les éléments épars chez les philosophes et chez les moralistes, chez les hommes et chez les femmes, d’Aristote à Kant, de Montaigne à Pestalozzi, de Mae de Maintenon à Miss Edgeworth. Philosophiquement, on en discute les principes. C’est une opinion bien établie que la pédagogie a des règles pour tous les âges ; qu’elle embrasse l’ensemble de la culture humaine, culture physique, culture intellectuelle, culture morale ; que, prise à ses sources hautes et considérée dans ses effets précis, elle n’est autre chose qu’une application de la psychologie. Aux termes de la définition antique, le pédagogue était surtout chargé de veiller à la tenue de l’enfant et de le garder des mauvaises rencontres. Cette vigilance, dans la pensée de Rollin, comprend tous les devoirs de tutelle intellectuelle et morale dont le père se décharge. Mais Rollin lui-même donne des conseils plutôt qu’il n’impose des préceptes. C’est le fruit de son expérience qu’il offre ; à peine se sent-il le droit de le recommander. Pédagogue excellent, on ne saurait dire qu’il a fixé les règles de la pédagogie. Le Traité des Études est un trésor de remarques judicieuses ; il n’a rien d’un code. Rollin se défend même de lui donner ce caractère. La pédagogie moderne a la prétention de former un corps d’idées directrices qu’elle emprunte à la psychologie proprement dite, à la morale, à l’hygiène. Elle est devenue un enseignement dont tous les enseignements doivent s’inspirer, qui les domine, les éclaire et les discipline. Elle a ses chaires dans les écoles normales et les Facultés. Par les droits qu’on lui reconnaît, par l’autorité qu’elle exerce ou qu’on lui demande d’exercer, elle