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REVUE PÉDAGOGIQUE

Il avait épousé en 1872 Mlle Bonnassieux, fille de l’éminent statuaire, dont il eut trois fils. La perte de l’un deux, tout Jeune encore, fut son premier grand chagrin. Longtemps après, il ne pouvait parler de cet enfant sans une profonde émotion.

J’ai débuté dans l’administration sous les auspices de M. Armagnac. Je le revois assis à son bureau. Devant mes yeux revit son visage un peu mélancolique. Voici qu’un bienveillant sourire, parfois égayé d’une discrète ironie, vient en tempérer la froideur apparente. Le jeune rédacteur qui débute se tient près du chef. Une minute sous les yeux, M. Armagnac approuve ou critique. Il enseigne les méthodes, qu’il connaît si bien, de la bonne administration. C’est un professeur qui prodigue les leçons de sa déjà vieille expérience. La douceur, la courtoisie du chef enlèvent toute amertume aux observations. Sa bonne grâce donne aux encouragements un prix infini. C’est ainsi que M. Armagnac gagnait l’affection de ses subordonnés. Aujourd’hui encore ils se souviennent de ses conseils.

Tels étaient les sentiments de ceux qui travaillaient sous Îles ordres de M. Armagnac. Chez ses chefs l’affection était la même, mais l’estime remplaçait le respect. Le plus éminent d’entre eux, celui qu une collaboration de seize années mit à même de le connaître plus intimement, M. Ferdinand Buisson, appréciait chaque jour davantage la sûreté et la droiture de son caractère, son application, son aptitude aux travaux les plus divers. Il lui avait confié, dès sa création, le bureau du contrôle et de l’organisation des Écoles normales primaires et des Écoles primaires supérieures, avec, comme annexe, les examens et les bourses. C’était un service nouveau, disparate, compliqué, une des sections les plus ingrates (le mot est de M. Buisson) et les plus difficiles parfois de la direction de l’enseignement primaire. Il voyait M. Armagnac faire face à toutes les difficultés, améliorer progressivement son service. « Il ne fait pas montre de son zèle, écrivait-il à cette époque, mais il en a beaucoup et du plus véritable. Il ne craint pas de donner des avis qu’il sait qu’on ne suivra pas, mais qu’il croit bons. Si on ne les suit pas, il exécute avec la plus parfaite loyauté les instructions données… »

La loyauté ! C’était, en effet, la qualité maîtresse de M. Armagnac, celle que lui reconnaissaient, avant toutes les autres, ses