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L’ÉCOLE DANS LA PRISON

bondamment que la société a imprudemment négligé cette dernière partie de son rôle : elle classe et déclasse, mais elle ne fait rien ou presque rien, d’une façon méthodique et réfléchie, pour reclasser. Elle jette l’adulte libéré à la rue. Celui-ci, marqué d’une tare infamante, inscrite sur son casier Judiciaire, ne peut pas arriver à se reclasser lui-même. Toutes les portes se ferment devant lui, il inspire la crainte, la défiance, la répulsion. De plus, il n’a pas ou n’a plus le goût du travail, et souvent il ne connaît aucun métier. Déclassé il est, déclassé il restera, et il continue de voler et de tuer.

Les belles lois sur la libération conditionnelle, le sursis à l’exécution des peines, les magnifiques œuvres de sauvetage de l’enfance, de patronage des adultes libérés ont essayé, dans une assez large mesure, d’atténuer cette contradiction aussi dangereuse qu’inhumaine.

Mais ce n’est pas encore assez. Il faut prendre le mal de plus haut. Logiquement c’est par l’école et la réorganisation sociale qu’il faudrait commencer. Pratiquement, comme il est impossible de répandre partout et également les lumières, comme il est encore plus impossible de réaliser une organisation sociale d’où le vol et le crime seraient absents, il faut prendre les choses à partir de la prison et commencer dès ce moment à appliquer un remède.

Quel remède ? le mal, répétons-le, consiste dans la mise en circulation d’unités déclassées. Le remède doit consister à ne les libérer qu’après les avoir mises en mesure de se reclasser ou d’être reclassées. Or, plus haut, nous avons vu que l’école était un classement social. [ci nous avons des unités sociales, actuellement emprisonnées, c’est-à-dire déclassées et qui vont être jetées dans le torrent de la circulation sociale. Le remède ne peut donc être que dans l’école, l’école dans la prison, c’est-à-dire une tentative de reclassement social avant la sortie de prison.

Je dis même que le reclassement social est aussi nécessaire, et même plus nécessaire que le classement social, d’abord parce que l’adulte libéré a besoin, beaucoup plus que l’honnête homme intact, sûr de lui, de ses bras, de son utilité, et de la confiance des autres ; il a beaucoup plus besoin, dis-je, de guide et de