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REVUE PÉDAGOGIQUE

Mais l’école dans la prison est utile parce que, avant tout, elle est nécessaire. Pour le montrer, il importe d’abord de bien définir l’école, la prison, et surtout leur vraie fonction sociale.

Au point de vue philosophique et sociologique, l’école n’est pas seulement un bâtiment plus où moins gai et confortable où se donne l’instruction primaire. Dans son sens large, l’école est, quelle que soit la façon de le préparer, quel que soit l’endroit où on le réalise, le façonnement préalable de l’enfant et de l’adulte par un ensemble d’habitudes intellectuelles et morales traditionnelles, propres à une société déterminée. Avant d’entrer dans la société comme élément distinct, vivant de sa vie propre, l’enfant ou l’adulte est préformé. On préétablit une sorte d’harmonie entre lui et le milieu où il doit jouer un rôle, remplir une fonction utile. Bref, l’école est un « classement social » ou, plus strictement, une préparation au classement social opéré par la société elle-même, car l’idée de société et celle d’école sont inséparables : la vie sociale est constituée par l’ensemble des unités conscientes qui vivent unies, concourantes et, pour cela, classées ; or, l’école prépare ces unités à trouver leur place dès qu’elles pénétreront dans le groupe social comme éléments actifs.

Inversement la prison consiste à distraire du groupe, à « déclasser » quelques-unes de ces unités, parce que, précisément, à un moment donné, elles se sont affranchies des entraves légales et ont commencé, par cela même, leur propre « déclassement ».

La société veille donc à sa conservation : 1° par le classement social, préparé dans l’école ; 2° par le déclassement social, opéré dans la prison. Ne lui reste-t-il donc rien à faire encore ? Ce serait fermer les yeux à l’évidence que de le nier. Classer, déclasser, ces deux fonctions en appellent une troisième : reclasser.

Malheureusement cette dernière fonction est loin d’être aussi bien remplie que les deux premières. L’augmentation inquiétante de la récidive, non seulement chez les hommes faits, mais même chez les adultes et les mineurs de seize ans, prouve sura-