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L’ÉCOLE DANS LA PRISON

d’avoir transformé les prisons en habitations confortables, il fallait encore y voir installer des salles d’école, des conférenciers diserts et des détenus allant aux cours et aux conférences comme des mondains au spectacle. N’est-ce pas une dérision que de voir tant de soins dépensés en pure perte pour des « vauriens » qui rient sous cape de votre sensiblerie et prennent un malin plaisir à l’exploiter ? Ne voyez-vous pas que parmi ces détenus auxquels vous allez « faire l’école », les uns ont un degré supérieur d’instruction, les autres, souvent, un degré moyen ! L’instruction qui n’a pas garanti les uns contre les défaillances morales et les fautes, garantira-t-elle les autres ? Pourquoi tant de confiance en elle quand on a sous les yeux les preuves de son inefficacité ? La morale, l’arithmétique, l’histoire à cette engeance ? Allons, allons, une bonne trique, du pain et de l’eau, c’est tout ce qu’elle mérite !

Telle est, présentée sous une forme atténuée, la moyenne des réflexions provoquées par ces deux mots mis ensemble : école et prison.

Pour dissiper l’indifférence ou le scepticisme, et peut-être l’hostilité, qu’elles ne manqueraient pas de provoquer, je vais montrer que l’école dans la prison est utile, nécessaire, et surtout, qu’elle existe.

Qu’elle soit utile, c’est ce qu’a fort bien montré le regretté M. Steeg, au Congrès International de Paris en 1895. Voici, sommairement indiquées, ses généreuses pensées sur cette question : d’abord l’école change le cours des idées du détenu, l’empêche de s’appesantir sur sa condition, de s’en nourrir, de couver des pensées ininterrompues de colère, de vengeance ou de mécontentement et d’irritation ; ensuite elle le moralise en l’arrachant à lui-même, en élevant quelque peu son esprit, en lui communiquant des idées et des sentiments qui purifient l’imagination et qui atteignent la conscience ; enfin elle augmente le bagage de ses connaissances, elle l’enlève à l’ignorance absolue ou augmente son savoir antérieur ; bref, elle facilite son retour à la vice honnête par le travail.