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REVUE PÉDAGOGIQUE

résultent de l’abandon moral, de l’ignorance grossière et aveugle, de l’inhabileté technique et professionnelle ?

Un souffle généreux anime notre jeune et prévoyante démocratie, avide de justice et de bonté. Or, ayant déjà employé au service des âmes, encore intactes et pures, qu’elle s’est donné pour mission de « former », les lumières de la pédagogie moderne, elle ne pouvait pas ne pas les mettre aussi au service des âmes déformées ou dévoyées qui ont le plus pressant besoin d’être « réformées » ou « redressées ». L’école devait donc pénétrer dans la prison.

C’est cette œuvre d’hygiène sociale, de sécurité, de justice et d’humanité, que je voudrais faire connaître à tous ceux qui, par profession ou par goût, s intéressent à l’école laïque, à ses obligations complexes et à ses multiples ramifications.

Avec une spontanéité et un libéralisme que l’on ne saurait trop louer, l’Administration pénitentiaire française s’est déjà préoccupée de ce problème. Mais elle a besoin, dans chaque circonscription pénitentiaire, dans chaque ville même où se trouve une prison, d’une légion de collaborateurs dévoués, éclairés, et possédant des connaissances et des idées directrices spéciales. Ce sont ces idées que je vais exposer en les tirant de l’observation directe des faits, ce sont ces collaborateurs que je vais m’efforcer de lui gagner en m’adressant plus spécialement à tous mes collègues de l’Enseignement primaire, du haut en bas de l’échelle.

On ne peut maîtriser, au premier abord, un mouvement de surprise en lisant ces deux mots juxtaposés : école et prison. Les idées qu’ils évoquent sont, en effet, si différentes ! Disposition extérieure et intérieure, élèves et maîtres, origine, occupations, attitude, existence des uns et des autres, il n’y a rien dans l’école qui puisse rappeler ces bâtiments sombres, entourés de murs élevés, divisés en cellules grillées, où gronde sourdement la haine de malheureux, envieux et révoltés, qui ont perdu la gaîté, l’honneur, la liberté.

Aussi dès que ces deux mots : École et Prison sont lus ou entendus ensemble, les objections et les railleries se pressent abondantes et serrées : ce n’était donc pas assez, s’écrie-t-on,