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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

À la suite de ce compte-rendu d’une fête où se sont manifestés une fois de plus les sentiments que les musulmans indigènes de l’Algérie, élèves ou maîtres de nos écoles, nourrissent pour la mère-patrie, nous publions une lettre de M. Albisson, ancien directeur de l’école normale de Constantine, actuellement directeur de l’école normale de Foix, à propos d’une rectification demandée à M. Steeg dans l’article consacré par lui, en novembre dernier, à la visite en France d’élèves indigènes de l’école normale d’Alger.

Voici cette lettre :

à la rédaction de la « revue pédagogique »
Foix, le 28 février 1896.

J’ai reçu de Saint-Arnaud, département de Constantine, la lettre ci-après que je me fais un devoir de vous transcrire :

« Mon cher directeur,

On me communique le n° 11 de la Revue pédagogique, du mois de novembre 1895.

J’y ai lu un intéressant article de M. Steeg sur la visite que nous avons faite en France, aux vacances dernières. Un passage cependant m’a surpris, c’est le suivant :

« Après quelques paroles de remerciements et d’amitié échangées de part et d’autre, l’un des Algériens, le jeune Kabyle Mokhtar Ben El Hadj Saïd, se lève, etc. »

Je suis très heureux que M. Steeg ait rapporté les paroles que j’ai prononcées ; mais je ne suis pas aussi flatté de me voir désigné comme Kabyle, car je suis simplement Arabe. Cette qualification me fait d’autant plus de peine, qu’il me semble que les Français attribuent beaucoup de qualités aux Kabyles, tandis qu’ils les refusent aux Arabes. Dans ces conditions, je viens m’adresser à vous, Monsieur le directeur, qui avez dirigé avec tant de zèle l’école normale de Constantine et le cours normal indigène composé surtout d’Arabes, et je vous prie de vouloir bien demander une rectification sur ce point à la Revue pédagogique.

Je fais appel à votre souvenir pour affirmer que les Arabes aussi bien que les Kabyles apprécient les bienfaits de l’instruction que la France répand parmi eux, et qu’ils savent comme eux se montrer reconnaissants et dévoués jusqu’au sacrifice.

Permettez-moi de rappeler à cet égard ce que mon père et surtout mon grand-père ont fait, et vous pouvez hautement revendiquer pour les Arabes les qualités que l’on ne veut attribuer qu’aux Kabyles.

En 1871, mon père et mes oncles étaient commerçants à Souk-Ahras. Pendant que nos coreligionnaires les turcos mouraient à l’ombre de ce fier drapeau tricolore, d’autres augmentaient le désastre de la France ; je veux parler des insurgés. Le village de Souk-Ahras fut menacé d’un incendie général. Car à cette date il ne contenait plus