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tion de sentiments et d’idées que la nature et l’histoire ont accomplie spontanément » (p.5). « L’éducation humaine, qui doit être la contrepartie objective du développement subjectif de l’individu, n’est autre chose qu’une savante disposition de moyens propres à favoriser le développement successif des différentes formes psychiques qui refont dans l’individu l’évolution de l’espèce (p. 7 et 9).

Dominé par ses idées scientifiques, M. Agabiti nous semble faire (p. 4) un peu trop bon marché de l’observation directe qui, sur bien des points, amène l’éducateur au même résultat que le ferait l’appli cation de la théorie de l’évolution.

Cette théorie en effet démontre bien que depuis le moment où l’enfant est un être « purement spinal » jusqu’à celui où il atteint son développement normal et complet, il passe par des phases successives et diverses qui exigent des procédés différents d’éducation (p. 10-12, etc.) ; mais vraiment est-il un éducateur qui, par l’observation directe, ne se rende parfaitement compte de ce fait, tout étranger qu’il puisse être à la théorie de l’évolution ? Ne pourrait-on d’ailleurs faire des réserves sur l’assimilation complète, absolue, admise par M. Agabiti comme une sorte de dogme au-dessus de toute discussion, comme « une loi acceptée même par les philosophes qui n’admettent pas dans son entier la théorie de l’évolution » (p. 207), entre le développement psychologique de l’enfant et celui de l’humanité ? Il faudrait, pour établir un système rigoureusement scientifique sur ce point, avoir des données exactes et précises sur l’état intellectuel et moral de l’homme aux âges les plus reculés, à l’époque préhistorique. Qui pourra jamais nous donner la clef de ce mystère ?

L’auteur montre bien le parti que l’éducateur peut tirer de l’amour propre en prenant ce mot dans un sens élevé : « cet instinct délicat qui nous fait rechercher l’estime et les louanges de nos semblables » (p. 29). Les législateurs eux-mêmes s’en sont servis dans la réglementation des sociétés humaines.

M. Agabiti consacre la seconde partie de son ouvrage à étudier le système des récompenses dans le monde gréco-latin, au moyen âge et dans les nations modernes, tantôt dans la société en général, tantôt, lorsqu’il rencontre des documents, dans l’école. Il fait honneur aux Jésuites d’avoir rétabli les premiers les récompenses dans leurs écoles, exemple suivi par l’abbé de la Salle et l’immense majorité des éducateurs modernes, sauf par les Jansénistes de Port-Royal et quelques rares pays, tels que l’Allemagne.

Dans la troisième partie, qui témoigne d’une immense lecture et d’une connaissance approfondie des écrivains qui se sont occupés de l’éducation chez les peuples modernes, M. Agabiti passe en revue l’opinion des auteurs pédagogiques sur l’utilité des récompenses. Une large part est, dans cette étude, faite à la France : Montaigne, Fénelon, Pas cal, Bossuet, Mme Campan, Mme de Rémusat, MM. Guizot, Compayré, Marion sont cités. En Angleterre, l’auteur cite : Locke, Bain, Spencer ;