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LA PRESSE ET LES LIVRES

À quoi bon s’efforcer, dit M. De Domenicis, de prouver l’utilité des récompenses à l’école dans un pays où l’école n’existe pas, où le Parlement laisse la législation scolaire dans un véritable chaos, — le mot revient plusieurs fois. Il y a bien d’autres questions que celle des prix dans les écoles. Il existe une disproportion énorme entre ce que l’État fait pour l’armée, la marine, les travaux publics, la législation, l’agriculture et l’industrie, et ce qui a été fait pour l’école… L’obligation a été proclamée pro forma, mais, tandis que la vieille vie scolaire disparaissait, la nouvelle n’apparaissait pas. Où sont-ils, ces vieux maîtres qui ne savaient pas ce qu’ils enseignaient ? D’autres sont venus, plus instruits, mais plus préoccupés de leur carrière que de l’enseignement. (Que le lecteur n’oublie pas que nous sommes de l’autre côté des Alpes.) Matières d’enseignement, programmes, horaires, on a tout fait, défait, refait à titre d’essai et toujours sans rien trouver de satisfaisant. L’école populaire, telle qu’elle existe chez nous, ne peut éveiller dans la conscience du peuple qu’une seule idée, celle de son inutilité, de sa stérilité, de son néant. Comment appliquer avec fruit les principes de la pédagogie dans un pays où l’obligation de fréquenter l’école n’est imposée qu’aux enfants de six à neuf ans ? Tout cela rend bien difficile l’application scientifique des récompenses à l’école.

Toute grande transformation sociale, toute réforme d’intérêt général, telle que la réforme scolaire qui pénètre au foyer même de la famille, rencontre à son début, surtout s’il est brusque, des difficultés redoutables. Les surmonter n’est pas l’œuvre d’un jour. C’est au contraire une œuvre de longue haleine qui exige de longs et persévérants efforts. Il ne suffit pas d’un trait de plume et d’un texte de loi pour faire subitement disparaître, dans chacun des membres d’une grande nation, les traditions, les habitudes, les susceptibilités plus ou moins légitimes et respectables, pour triompher de l’opposition sourde ou ouvertement déclarée à la loi. En Italie comme ailleurs la loi est perfectible et, avec le temps, les pouvoirs publics arriveront à une réglementation satisfaisante, de même que les populations comprendront peu à peu l’intérêt supérieur qui s’attache à la diffusion la plus large de l’enseignement dans toutes les classes de la société.

L’ouvrage de M. Agabiti est divisé en trois parties. La première traite de la récompense au point de vue de la pédagogie scientifique ; la seconde suit l’idée de la récompense dans l’histoire ; la troisième l’étudie dans les doctrines pédagogiques.

Dans la première partie, M. Agabiti prend la doctrine de l’évolution pour base scientifique de sa théorie. « Seule la pédagogie scientifique moderne peut nous donner une psychogénèse complète en l’éclairant avec les postulats des sciences naturelles et sociologiques » (p. 4). « S’il est vrai que l’individu refait le développement de l’espèce, le développement psychique individuel doit passer par des formes transitoires pendant lesquelles devra s’accomplir dans l’individu la même sélec-