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DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

défini de bonne heure avec précision, embrassé avec ferveur, soutenu pendant les trente dernières années de sa carrière envers et contre tous, amis ou ennemis, tantôt avec une patience que rien ne lasse, tantôt avec une vivacité hardie, toujours avec une autorité incomparable, qui fait l’intérêt supérieur et l’unité de sa vie.

Ainsi qu’il le disait du comte Molé, « le christianisme n’était pas pour lui l’objet d’une admiration spéculative, ni le bienfait épuisé des âges disparus » : il y voyait « le libérateur et le père des âges futurs ». L’Église à la tête de la civilisation, le pape à la tête de l’Église, c’était là l’expression la plus haute de son dogme politique. Mais il ne croyait pas que l’Église put accomplir son œuvre sans s’aider du concours des forces que l’esprit moderne mettait entre ses mains, La liberté de l’enseignement obtenue, il considérait que le parti qui s’était groupé sous la direction de M. de Montalembert pour la conquérir n’avait pas de raison de survivre à sa victoire, et, l’Empire ayant mis à néant les communes espérances, il avait appelé ses coreligionnaires à soutenir ensemble la cause de toutes les libertés, en se réunissant sans distinction de nuances autour du drapeau de la monarchie : au parti des catholiques il voulait substituer les catholiques de tous les partis. À cet appel de ralliement un cri de guerre avait répondu, au nom de ceux qui, rebelles à toute idée de transaction, prétendaient ne point abaisser leur bannière : ni légitimistes, ni libéraux, ni gallicans ; au dedans le respect du pouvoir établi sans vaines menaces de révolte, au dehors le dévouement à l’Église sans réserve, le règne de la doctrine romaine sans contrôle. Et, dans le champ ouvert à cette lutte inattendue, M. de Falloux avait trouvé un adversaire rompu à toutes les manœuvres, écrivain de race, ne refusant rien à sa verve plébéienne et à ses âpres ressentiments, infatigable, implacable. Quelque rudes que fussent ces assauts, il semble que M. de Falloux ait eu plus à s’en féliciter qu’à s’en plaindre. La question romaine lui avait fourni l’occasion de faire éclater son zèle pour les intérêts temporels du Saint-Siège et de revendiquer l’honneur de la politique inaugurée en 1849 par son ministère. Il pouvait avec d’autant plus d’indépendance résister aux entraînements de doctrine auxquels on sollicitait l’épiscopat français et la papauté, en pesant sur l’épiscopat au nom de la papauté, sur la papauté au nom de l’épiscopat. Il se refusait à admet-