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REVUE PÉDAGOGIQUE

pas encore l’habitude de l’être, et qui compte ses arbres, ses vas saux, ses moines ; ce bonheur tout nouveau l’enivre : il faut qu’il en parle. Ah ! si le concours de Poissy eût existé, quelle ardeur il eût mise à disputer la prime ! Quels appels, pour l’obtenir, à Thieriot, à Cideville, à d’Alembert, à d’Argental, et comme l’Europe eût retenti de son triomphe ! M. de Falloux s’honorait de ses succès de comice : les coupes et les objets d’art qu’il avait gagnés tenaient dans les salons du château la première place ; mais ce n’était pour lui que la consécration de la propagande qu’il avait entreprise. Toutes ses observations ont la portée d’une leçon. S’il a adopté pour ses troupeaux le type Durham, pour ses vergers le système Dubreuil, c’est que le système Dubreuil dans l’arbre fruitier supprime une grande partie du bois au profit du fruit, comme le type Durham réduit dans le bœuf, autant qu’il se peut faire, les os, les pattes et les cornes au profit de la viande ; en un mot qu’ici et là le superflu est sacrifié à l’utile. Il ne s’agit de rien de moins que d’une méthode d’éducation ; chacun peut y trouver un conseil : n’aurions-nous pas, nous, par exemple, trop de bois dans nos programmes d’études ? En même temps qu’il calcule les avantages de la vie qu’il propose en exemple, M. de Falloux en analyse finement les jouissances : et, pour les célébrer, il retrouve les accents de la poésie antique imprégnée de l’onction chrétienne : « C’est la vie des champs qui trompe le moins d’espérances, dit-il : le vrai campagnard est à la fois actif et sédentaire : sensible à l’honneur, inaccessible à l’ambition, il sert son pays sans quitter son foyer. Son corps est robuste parce que son âme est paisible. Jette-t-il ses regards en arrière, il retrouve assurément des soucis et des peines, mais point de regrets. Quand ses jours sont comblés, il laisse autour de sa tombe un honnête souvenir de deux ou trois lieues de circonférence et cette devise à ses successeurs : Vivre en travaillant, mourir en priant. »

Si féconde que fût cette activité, elle était loin de suffire à M. de Falloux. Longtemps hôte assidu de la Société d’agriculture et des arts d’Angers, où sa présence était une fête, il s’y montrait de plus en plus rarement ; et, comme on lui en exprimait le regret : « Ah ! si vous faisiez de la politique ! » répondait-il. Jamais il ne s’en était laissé distraire. Restaurer la monarchie en France, rétablir parmi les peuples le gouvernement de l’Église, tel est le rôle,