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DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

c’est l’honneur de la conscience humaine. M. de Falloux se borne à justifier historiquement ce que la morale publique ne lui permettait pas d’absoudre. Dans les œuvres de l’Inquisition il voit un acte de préservation sociale accompli par l’Église au nom et dans l’intérêt des peuples, qui, incapables de se protéger eux mêmes, s’étaient placés sous sa tutelle. À cette explication on est heureux d’opposer le jugement que, vingt-cinq ans après, M. de Falloux portait sur la lutte ouverte entre l’Évangile et le Coran : « La conciliation restera longtemps encore une espérance voisine de la chimère ; grâce à Dieu, l’extermination est devenue une barbarie impossible. Mais ce n’était point la chimère de cette pacifique conquête qu’il caressait en retraçant les actes du pontificat de Pie V. « Que la France et Rome renouent leur antique alliance, disait-il ; jamais elle n’a été plus nécessaire à la marche du monde. » Et il conviait la fille aînée de l’Église à prêcher la Croisade sous l’égide de la papauté.

L’ardeur de ces opinions soutenues avec éclat plaçait M. de Falloux, dans son parti, au premier rang des militants. En 1846, les portes de la Chambre des députés lui furent ouvertes par l’arrondissement de Segré. En même temps que des idées affermies par l’étude, il y apportait les ressources d’un esprit politique que la pratique de la vie parlementaire allait porter rapidement à la perfection. La session de 1847 ne lui avait guère laissé que le temps de signaler l’élévation et le sens pratique de son intelligence. Il entra à l’Assemblée de 1848 en maître exercé et déjà sûr de lui. Le suffrage universel avait réuni dans la même enceinte les membres des deux anciennes Chambres, et plus d’une fois la discussion rapprocha M. de Falloux de M. de Montalembert. Ils défendaient les mêmes causes avec le même zèle ; mais dans le caractère de leur éloquence et de leur action, quel contraste ! M. de Montalembert s’élançait à la tribune comme à l’assaut, l’ail en feu, le front chargé de passion, la tête rejetée en arrière, la poitrine dé couverte, attendant et provoquant la lutte ; d’un bond il s’élevait à son sujet ; sa voix nette, fière, retentissante, semblait monter au fur et à mesure qu’elle se déployait ; l’indignation, non pas une indignation d’école et de métier, une indignation sincère, profonde, le transportait, et l’éloquence coulait de ses lèvres brûlantes comme la lave. Mais, tandis qu’il s’abandonnait aux mouvements