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DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

grand-père et grand’mère, qui, au moment de la péroraison, sortirent, à la grande confusion de l’orateur, des armoires où ils s’étaient cachés. Les applaudissements ne lui manquèrent point. Mais ce n’était pas le compte de son père qui, ayant entendu Mirabeau à Versailles et Pitt à Londres, rêvait de gloire parlementaire. Le jeune sermonnaire fut envoyé à Paris, au collège Bourbon. Là les premiers prix d’Angers se transformèrent en simples accessits. M. de Falloux n’en accuse que lui-même ; l’effort n’eut jamais d’attrait pour lui, il le confesse avec une bonne grâce charmante : le plaisir de s’abandonner au courant des choses l’entraînait. Il lui arriva même de faire l’école buissonnière pour aller rendre visite à Talma, chez lui ou dans les coulisses du Théâtre-Français. Il ne paraît pas d’ailleurs avoir conservé un mauvais souvenir des années passées sous la tutelle de l’Université, et l’on peut croire que le contact prolongé avec une jeunesse ardente, très discoureuse, ne fut pas sans effet sur le tour libéral de ses idées.

Dès ce moment avait commencé pour lui la seconde éducation toujours plus efficace que la première chez les hommes d’élite, celle qu’on se donne à soi-même et qui décide de la direction de l’esprit. Pour un jeune homme de son âge, Paris offrait bien des séductions ; mais, comme il l’a dit souvent, Paris n’a jamais pénétré en lui plus loin que l’épiderme. Ce qu’il en aimait à cette époque, on peut presque dire ce qu’il en connaissait, — tant le reste lui semble étranger, ce sont les sociétés où l’avaient introduit les amis de sa famille, et le Théâtre — Français. Un héritage survenu au cours de ses études lui permettait de tenir son rang. Dans le salon du marquis de Castellane fréquenté par Montlosier et l’abbé da Pradt, à l’hôtel Crussol dont la duchesse d’Uzès faisait les honneurs à l’émigration, les incidents des Chambres mêlés aux souvenirs de l’ancien régime défrayaient l’entretien. On y traitait aussi les questions littéraires qui, comme la politique, divisaient les esprits : seulement, par un étrange renversement des rôles, c’était l’opposition qui tenait pour les classiques et se montrait conservatrice, tandis que la révolution romantique était non moins résolument patronnée par les jeunes royalistes.

M. de Falloux, en écoutant tout le monde, satisfaisait sa manière de voir et déjà savait la défendre. Dans les menaces de conflit entre le Parlement et le roi, il soutenait que le dernier mot doit