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REVUE PÉDAGOGIQUE

placer tour à tour ; chaque fois que vous en perdez un, vous mettez tous vos soins à n’en pas acquérir la copie : plus il vous était cher, plus il vous donnait d’orgueil, moins vous cherchez qui lui ressemble. » À ceux qui se succèdent ainsi devant vous, à des titres si différents, vous ne demandez ici que l’intelligence de l’œuvre qu’ils ont à replacer sous vos yeux, le respect du caractère et du talent. C’est dans ce sentiment, messieurs, que j’essaierai de rendre un sincère hommage à l’illustre confrère que vous avez perdu.

« Je ne puis me reporter à mes premières années, » écrit M. le comte de Falloux dans ses Mémoires, « sans y reconnaître la source des inspirations de toute mon existence. » L’Anjou, et particulièrement le pays de Segré, où il avait vu le jour en 1811, était demeuré l’un des plus ardents foyers des traditions monarchiques. M. de Falloux naquit royaliste. La foi politique et religieuse à laquelle il devait se vouer l’enveloppa dès le berceau. Parmi ses impressions les plus lointaines, il retrouve les histoires chevaleresques des chouans dont on entretenait son enfance ; il voit, à la fête du curé, les paysans s’assembler en armes, boire une barrique de cidre à la santé les uns des autres et terminer la réjouissance au cri de : « Vive le roi ! » Son grand-père, maître de camp de cavalerie, exerçait un commandement à Cherbourg, où le duc de La Rochefoucauld avait voulu ménager une retraite à Louis XVI ; sa grand’mère, sous — gouvernante des enfants de France, était aux côtés de la reine dans les journées du 20 juin et du 10 août ; sa mère avait été élevée au château de Versailles ; son père avait émigré à quatorze ans. Autour de lui on vivait de ces souvenirs, la seule richesse de la famille, sans que personne eût l’idée d’en tirer avantage. M. de Falloux le rappelle avec une fierté qui est un des traits de son caractère : « Ma jeunesse s’est passée entre des personnes ayant été à la cour, mais pour lui offrir tous les genres de sacrifices. »

C’est au collège d’Angers qu’il commença ses études. Il annonçait un goût très vif pour les lettres. Certaines homélies qui l’avaient ému lui firent croire à une vocation religieuse. Il se mit à composer des sermons ; et un jour, revêtu d’une chasuble qu’il s’était taillée dans un châle de sa mère, il prêcha devant un auditoire composé de quelques camarades qu’il avait réunis et de parents qui n’étaient pas invités : tous les Quatrebarbes, oncle, tante,