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LE COLLÈGE DE VANNES EN 1830

tous les quinze jours. J’ai vu des élèves préférer cette dignité à celle d’empereur.

Préférez-en la pourpre à celle de mon sang.

Mais cette aberration était rare. Pour moi, j’ai été empereur constamment pendant mes trois dernières années de collège, excepté une seule fois, où je descendis au rang de César. Cette éclipse passagère fut un événement dans le collège, et un peu dans la ville. J’avais pourtant des compétiteurs de grand mérite, dont la carrière a été plus heureuse que la mienne, quoique peut-être moins bruyante, Je me contenterai de citer M. Guérin, aujourd’hui conseiller à la Cour de cassation, son frère, Alphonse, notre grand chirurgien, qui était l’an dernier président de l’Académie de médecine. Il y avait aussi M. Alliou ; mais celui-là a constamment dédaigné les honneurs, et s’est contenté d’être proviseur du lycée de Saint-Brieue.

Les élèves qui occupaient la droite de la classe étaient les Romains, et ceux qui siégeaient à gauche étaient les Carthaginois. Romains et Carthaginois entraient dans la classe au coup de huit heures. Le régent n’y était pas ; le grand censeur présidait. Il veillait à ce que chaque Romain fit réciter les leçons au Carthaginois du grade correspondant, et lui récitât ensuite les siennes. On lui remettait une note écrite sur la façon dont l’épreuve avait eu lieu. Elle était laconique. Satisfecit ou on satisfecit. En général, elle était sincère. Il en dressait un tableau qu’il remettait au régent, lorsque celui-ci faisait son entrée dans la classe à huit heures vingt minutes. Le régent appelait quelques non satisfecit, pour constater le degré de leur ignorance, et leur infligeait la punition proportionnée. Il y avait ensuite des défis. Un Romain disait : « Je provoque le second préteur carthaginois. » Ils se rendaient au poteau, ad palum, et lisaient leur devoir l’un après l’autre. Le régent faisait ses remarques, et nommait le victorieux. Les victoires et les défaites de chaque parti étaient soigneusement enregistrées par le grand censeur et les deux purpurati.

La classe du samedi soir était un moment solennel. Le grand censeur et les purpurati : (l’empereur et le César), avaient additionné et comparé toutes les notes de la semaine. Ils soumet-