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LE COLLÈGE DE VANNES EN 1830

ardeur. La neige était si épaisse dans la cour, que les premiers qui nous frayaient le chemin en avaient par dessus les genoux.

On dispute à présent pour savoir si on ne supprimera pas dans les collèges l’enseignement du latin. Si on avait pris en 1830 une pareille résolution, et qu’on l’eût appliquée au collège de Vannes, je ne sais pas à quoi nous aurions passé le temps. Nos régents, qui presque tous étaient prêtres, savaient parfaitement le latin. Ils savaient peut-être aussi, tant bien que mal, un peu de théologie. Je puis attester qu’ils ne savaient pas autre chose. On nous donna en 1829 un régent de physique. On n’avait plus entendu parler de ce genre d’études au collège de Vannes depuis 1789. M. Merpaut, qu’on chargea de cet enseignement, était comme le collège : il n’avait jamais entendu parler de cela. Il acheta un vieil exemplaire de la Physique de l’abbé Nollet. « Je ne le comprends pas, nous dit-il, mais nous le lirons ensemble, et peut-être en nous aidant mutuellement parviendrons-nous à savoir ce qu’il veut dire ». Nous n’y parvînmes pas. Nous mimes au pillage deux armoires contenant quelques instruments de physique surannés, et beaucoup de substances diverses. Nous mettions un grand zèle à mélanger ces fioles l’une avec l’autre sous les yeux de M. Merpaut, pour voir ce qui en résulterait. Nous finîmes par jouer aux palets pendant la classe avec les disques d’une pile de Volta. Je dois dire, pour rendre hommage à la vérité, que M. Merpaut avait un jeu très brillant. Le professeur de rhétorique, notre voisin, se plaignit du tapage. M. Merpaut fut magnifique : « Allez dire à votre maître que nous sommes ici pour étudier les lois de la nature, et que nous lui laissons pleine liberté de faire tout ce qu’il voudra des lois de la rhétorique. »

Voilà comment on enseignait la physique et la chimie dans la classe de M. Merpaut. Dans les autres classes, on n’enseignait ni la littérature, ni l’art d’écrire, ni les sciences pures, ni les sciences appliquées, ni l’histoire, ni la géographie, ni la philosophie, ni la rhétorique. On enseignait supérieurement le latin. On ne se contentait pas de nous le faire écrire et traduire, on nous le faisait parler. C’était notamment la langue courante dans la classe de philosophie. Le principal du collège n’en employait pas d’autre dans ses communications officielles avec nous. Il ne