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REVUE PÉDAGOGIQUE

les ont charmées, amusées ou terrifiées, elles les racontent aux petits enfants, toujours avides de merveilleux ; en passant par leur bouche, vieille ou jeune, le récit a je ne sais quelle grâce qu’on ne retrouve pas dans ceux des hommes : presque tous les collecteurs de légendes, à commencer par les frères Grimm, ont eu la bonne fortune de rencontrer conservées par les femmes les meilleures et les plus charmantes versions populaires. La même grâce se retrouve parfois, mais plus rarement, parmi les enfants ; eux, ils croient souvent à la réalité du conte : j’en ai vu qui étaient si entraînés par leur récit qu’ils semblaient personnellement mêlés aux aventures du héros, et que leur dialogue était doux s’il parlait, rude si l’ogre, le diable ou le méchant prenait la parole. J’en ai vu s’indigner, ou parler des personnages comme s’ils les voyaient : « Il arriva chez la princesse ! — oh ! était-elle belle ! » s’écriait l’un d’eux, comme si elle avait été présente devant lui.

La connaissance de la topographie locale à aussi son importance en matière de légende. À côté des contes proprement dits, qui se passent généralement dans le royaume indéterminé de la féerie, il en est d’autres qui semblent spéciaux au pays, ou qui du moins y sont localisés par le conteur. Bien que parfois ces récits soient à l’état fragmentaire, ce ne sont pas les moins intéressants : on y rencontre des épisodes originaux ou qui tiennent à une sorte d’histoire légendaire de la contrée.

Lorsqu’un pays est au bord de la mer ou près d’un fleuve, si les fontaines sont claires et l’eau de belle qualité, il y a des chances pour trouver des légendes qui se rattachent — parfois sous une forme christianisée — aux divinités ou aux fées de la mer et des eaux, ce monde si complexe et si poétique, où survivent les débris d’un des plus anciens cultes de l’humanité.

S’il y a des forêts, elles sont hantées par des lutins, des fées, des chasseurs ou des animaux fantastiques, souvent par des ogres ou par des brigands : le mystère des grands arbres se prête à l’épouvante. Le petit Poucet abandonné dans la forêt émeut plus les enfants que les chambres sanglantes de la Barbe Bleue, que son coutelas levé sur sa septième femme. Les mégalithes, et les roches naturelles remarquables par leurs dimensions