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HENRI POINCARÉ — LA DYNAMIQUE DE L’ÉLECTRON

loi de Newton. De plus, comme la gravitation se ramène à des forces d’origine électrodynamique, la théorie générale de Lorentz s’y appliquera, et par conséquent le Principe de la Relativité ne sera pas violé.

On voit que la loi de Newton n’est plus applicable aux grandes vitesses et qu’elle doit être modifiée, pour les corps en mouvement, précisément de la même manière que les lois de l’Électrostatique pour l’électricité en mouvement.

On sait que les perturbations électromagnétiques se propagent avec la vitesse de la lumière. On sera donc tenté de rejeter la théorie précédente, en rappelant que la gravitation sa propage, d’après les calculs de Laplace, au moins dix millions de fois plus vite que la lumière, et que, par conséquent, elle ne peut être d’origine électrodynamique. Le résultat de Laplace est bien connu, mais on en ignore généralement la signification. Laplace supposait que, si la propagation de la gravitation n’est pas instantanée, sa vitesse de propagation se combine avec celle du corps attiré, comme cela se passe pour la lumière dans le phénomène de l’aberration astronomique, de telle façon que la force effective n’est pas dirigée suivant la droite qui joint les deux corps, mais fait avec cette droite un petit angle. C’est là une hypothèse toute particulière, assez mal justifiée, et en tout cas entièrement différente de celle de Lorentz. Le résultat de Laplace ne prouve rien contre la théorie de Lorentz.

XIV.Comparaison avec les Observations astronomiques.

Les théories précédentes sont-elles conciliables avec les observations astronomiques ? Tout d’abord, si on les adopte, l’énergie des mouvements planétaires sera constamment dissipée par l’effet de l’onde d’accélération. Il en résulterait que les moyens mouvements des astres iraient constamment en s’accélérant, comme si ces astres se mouvaient dans un milieu résistant. Mais cet effet est excessivement faible, beaucoup trop pour être décelé par les observations les plus précises. L’accélération des corps célestes est relativement faible, de sorte que les effets de l’onde d’accélération sont négligeables et que le mouvement peut être regardé comme quasi-stationnaire. Il est vrai que les effets de l’onde d’accélération vont constamment en s’accumulant, mais cette accumulation elle-même est si lente qu’il faudrait bien des milliers d’années d’observation pour qu’elle devînt sensible.

Faisons donc le calcul en considérant le mouvement comme quasi-stationnaire, et cela dans les trois hypothèses suivantes :

A. Admettons l’hypothèse d’Abraham (électrons indéformables) et conservons la loi de Newton sous sa forme habituelle ;

B. Admettons l’hypothèse de Lorentz sur la déformation des électrons et conservons la loi de Newton habituelle ;

C. Admettons l’hypothèse de Lorentz sur les électrons et modifions la loi de Newton, comme nous l’avons fait au chapitre XIII, de façon à la rendre compatible avec le Principe de Relativité.

C’est dans le mouvement de Mercure que l’effet sera le plus sensible, parce que cette planète est celle qui possède la plus grande vitesse. Tisserand avait fait un calcul analogue autrefois, en admettant la loi de Weber ; je rappelle que Weber avait cherché à expliquer à la fois les phénomènes électrostatiques et électrodynamiques en supposant que les électrons (dont le nom n’était pas encore inventé) exercent les uns sur les autres des attractions et des répulsions dirigées suivant la droite qui les joint, et dépendant non seulement de leurs distances, mais des dérivées premières et secondes de ces distances, par conséquent de leurs vitesses et de leurs accélérations. Cette loi de Weber, assez différente de celles qui tendent à prévaloir aujourd’hui, n’en présente pas moins avec elles une certaine analogie.

Tisserand a trouvé que, si l’attraction newtonienne se faisait conformément à la loi de Weber, il en résulterait pour le périhélie de Mercure une variation séculaire de 14″, de même sens que celle qui a été observée et n’a pu être expliquée, mais plus petite, puisque celle-ci est de 38″.

Revenons aux hypothèses A, B et C, et étudions d’abord le mouvement d’une planète attirée par un centre fixe. Les hypothèses B et C ne se distinguent plus alors, puisque, si le point attirant est fixe, le champ qu’il produit est un champ purement électrostatique, où l’attraction varie en raison inverse du carré des distances, conformément à la loi électrostatique de Coulomb, identique à celle de Newton.

L’équation des forces vives subsiste, en prenant pour la force vive la définition nouvelle ; de même, l’équation des aires est remplacée par une autre équivalente ; le moment de la quantité de mouvement est une constante, mais la quantité de mouvement doit être définie comme on le fait dans la nouvelle Dynamique.

Le seul effet sensible sera un mouvement séculaire du périhélie. Avec la théorie de Lorentz, on trouvera pour ce mouvement la moitié de ce que donnait la loi de Weber ; avec la théorie d’Abraham, les deux cinquièmes.

Si l’on suppose maintenant deux corps mobiles gravitant autour de leur centre de gravité commun, les effets sont très peu différents, quoique les